Un film réussi, c'est simplement quand sous des traits tout à fait inattendus, un film arrive à vous parler de votre époque sans que vous ne vous en aperceviez trop vite.
"Mon crime" plonge le spectateur dans les années 30, dans le monde du spectacle, du théâtre et du cinéma. Une jeune actrice blonde au visage d'ange éprouve les pires difficultés à percer malgré ses traits avantageux et pourtant, un jour, elle trouve le moyen d'accéder à la renommée. Oui, elle s'accuse du meurtre d'un producteur qui tentait de la violer.
Le procès fait la une de la presse et embarque toute la société pour tenter de démasquer ce personnage mi-victime mi-vengeur. Seulement, quand le sceau de l'infamie aurait dû frapper cette affaire, mais qu'au final ce ne sont que louanges adressées et couronnes tressées, la véritable coupable ne tarde pas à vouloir "prendre sa part de la galette"...
François Ozon, comme à son habitude nous propose une adaptation d'une pièce de théâtre, ici mise en abîme par cette implantation de l'action dans le monde du spectacle. Cependant, il ne se contente pas de choisir n'importe quelle farce et encore moins de tenter d'y diluer une quelconque morale. Ici la femme n'est pas qu'une victime, elle manipule son monde, et surtout elle se lève et se dresse contre un système établi comme les grandes héroïnes du théâtre classique à l'instar d'Antigone. Sauf qu'ici, elle n'est pas punie de sa révolte, elle en ressort triomphante et fait naître le germe du soulèvement dans la tête des femmes.
Sans tomber dans les poncifs habituels, mais tout en les rappelant (la femme éternelle mineure, pas de carnet de chèques, vous connaissez la chanson.), François Ozon distille ce à quoi la femme est consignée, notamment à travers le personnage de Myriam Boyer interprétant la bignole, mère de famille et amatrice de commérages.
Surtout, il préfère se moquer du comportement des hommes tout en continuant à illustrer ces rôles assignés à la femme. Le juge qui estime que le physique de la coupable lui vaudrait une réduction de peine
Et il enfonce le clou en montrant à quel point une femme ne peut prétendre au quart de ce qu'un homme se trouve de fait, permis de faire. Cela est très bien illustré par le réquisitoire du procureur Michel Fau, qui tire des généralités quant aux pulsions meurtrières de ces dernières, en se basant sur quelques cas rares d'assassinats commis par des femmes. Alors même que les crimes des hommes bénéficient de la discrétion de la rubrique "faits divers" où les crimes "passionnels" s'alignent et se compilent sans alerter l'opinion.
Bref, j'ai vu ce film en ignorant pratiquement cette intrigue et c'est une très agréable surprise. L'histoire et ce qu'elle raconte, sont très emballants, l'ambiance chamarrée et gaie et l'humour très fin vous emportent.
De plus, l'intelligence d'Ozon dans ses choix de seconds rôles en soutien des deux actrices principales me ravit. Là où Astérix s'est royalement planté avec sa palanquée d'acteurs qui tombe complètement à côté. Ici, dans un film qui parle de cinéma et de théâtre, chaque apparition d'un nouveau personnage est un véritable bonbon tant ils sont choisis avec minutie (Boyer, Laspallès, Prévost, Dussolier, Luchini, Fau, Huppert...).