Les années 90 sont les années d’apogée de la carrière ciné de Roland Giraud, je le crains. J’aime beaucoup cet acteur, son sens comique hors pair et sa capacité à produire avec très peu des émotions sourdes, une sensibilité plus étouffée dans une personnalité pourtant exubérante, voire complètement allumée. Que ce soit dans un rôle secondaire d’officier allemand dans Papy fait de la Résistance, dans deux ou trois films des années 90 avec des premiers rôles ouverts (Le provincial, La vie dissolue de Gérard Floque) dans un rôle flamboyant et authentiquement frappadingue au théâtre sous la férule de Jean Poiret dans Sans rancune ou bien dans ce film-là, doux amère, Roland Giraud est un acteur doué d’une puissance de jeu qui m’émeut toujours.
Dans ce film, il est peut-être d’un accès plus facile au spectateur pour s’en apercevoir. Son héros est bousculé dans ses certitudes. Il avait fait une croix sur sa paternité. La question avait été réglée, comme un hasard, sans heurt, justement parce qu’elle ne s’était pas vraiment posée. Quand le doute s’immisce, il le ronge alors de l’intérieur. Et ce petit sentiment jusque là enfoui, celui de ce qu’est “être père” resurgit avec une violence d’autant plus vive qu’elle le surprend. Voilà une problématique qui a dû ravir l’acteur car elle offre de bien belles possibilités de créer un personnage riche, en pleine évolution, ballotté par des sentiments et des émotions contraires, nouvelles et très fortes. Roland Giraud montre toute l’étendue de son talent.
Le thème colle bien à son époque, les années 90 ont fini d’explorer la question des nouvelles paternités modernes (rôle de plus en plus impliqué du père vis à vis de son enfant) que d’autres ont déjà bien abordé auparavant depuis les années 70.
Mais je dois tout de même avouer que le style du film, dans la mise en scène, dans cette propension à “sur-écrire” ses dialogues pour faire “cool” et dynamique, bref le parti-pris de Pierre Jolivet à orner son propos de fausses légèretés m’a un peu déplu. Cela déréalise un poil trop le récit. Le personnage de Clémentine Célarié est déplaisant, parce que j’ai eu du mal à y croire. Elle m’a semblé fausse, en dehors du réel, totalement cynique et dégueulasse, par égocentrisme et finalement d’une cruauté excessive. Celui de Stéphane Freiss est très vite insupportable, en espèce de trublion tout aussi égoïste et tête à claque. Cet environnement de casse-pieds enlève de l’humanité à tout le film. Seul le personnage de Roland Giraud apparaît vrai, crédible. C’est dommage parce que le propos aurait dû rester focalisé sur sa démarche, comme ces questionnements bien ancrés dans le pragmatisme. Pourquoi faire s’agiter des singes autour de lui quand sa propre agitation intérieure suffit à vous émouvoir?
Un film à voir pour deux raisons : pour voir comment Roland Giraud, à la fois saisi d’effroi et de fascination, est bouleversé : et pour voir François Berléand avec des cheveux….
captures et trombi