Voici un film que j'avais vu quand j'étais minot, peuchère et pour lequel j'avais vibré aux vengeances implacables du Comte comme quand je m'enfonçais avec délices dans le roman de Dumas. En fait, il y a deux versions que je connaissais et que j'aimais bien. Celle-ci et celle antérieure de quelques années de Vernay avec Jean Marais.
Evidemment, c'était un rôle taillé sur mesure pour Jean Marais mais Louis Jourdan se sort admirablement de l'exercice par sa retenue, son caractère ombrageux et silencieux, justement. La vengeance qui est, comme on sait, un mets qui se mange froid, a aussi besoin d'être cueillie par le spectateur, qui connait (finement) l'histoire , par surprise. Pour ce point, la version Autant-Lara est peut-être un peu supérieure dans la mesure où le spectateur reste à la remorque de Louis Jourdan tandis que dans l'autre version le spectateur accompagne Jean Marais. Du détail...
Ne disposant aujourd'hui en DVD que de la version Autant-Lara, je laisse l'avantage à celle-ci, notamment pour l'excellente image.
Dans le film d'Autant-Lara, il y a un mélange curieux des accents. L'action est censée démarrer à Marseille et seuls les seconds rôles (Mondy compris) ont l'accent... Louis Jourdan (pourtant né à Marseille), Villefort et Morcerf n'ont pas d'accent...
D'ailleurs, ça donne une curieuse impression au tout début du film quand le père d'Edmond Dantès engueule l'armateur, on a l'impression de voir César engueuler Panisse sur le Vieux Port. On va dire que c'est la touche folklorique qu'un Autant-Lara a voulu donner à son film pour mieux le situer.
Dans le cas de Mondy (qui a un accent plutôt de sud-ouest), l'accent "jovial" accentue sa scélératesse et rend plus efficace son personnage. C'est un peu ce que je disais de la version Autant-Lara (par rapport à Vernay), les choses sont moins explicites et permettent au spectateur (qui connait déjà l'histoire) de conserver un minimum de surprise.
Autre point qui caractérise ce film, c'est la diction des acteurs un peu théâtrale: c'est très visible à la fin où Louis Jourdan parle lentement et avec emphase. J'ai même pensé fugitivement qu'il parlait comme un Messager, chargé d'une importante mission. Il n'est plus tout-à-fait un homme (ou un peu plus qu'un homme) et sa mission nécessite de la grandeur pour que le Glaive de la Vengeance puisse s'abattre. Oui, c'est le Destin en marche.
Que dire du personnage féminin Mercedes joué par Yvonne Furneaux (que j'avoue ne pas connaitre très bien) : conformément à l'histoire, elle doit jouer le rôle d'une femme au caractère "faible". Je pense que Yvonne Furneaux joue bien son personnage de femme, belle certes mais un peu effacée, craintive. La scène des retrouvailles avec Dantès en comte de Monte-Cristo est très belle, toute en subtilité.