I. Les candidats :


J'ignore si Claire Simon a décidé de mettre en avant ses coups de cœurs, ceux qui avaient le plus de chances d'être conservés à l'issue de la sélection, ou si le choix s'est fait en fonction des délibérations les plus intéressantes. Toujours est-il qu'il y a de quoi être surpris par les profils présentés. Je pensais voir des candidats plus âgés, forts d'une plus grande confiance en eux, des gens plus poseurs avec une culture cinématographique pointue et des tares propres à l'idée qu'on se fait du label Fémis (productions nombrilistes, moralistes et creuses).


Or on a affaire à des étudiants, au sortir de l'adolescence, parfois un peu calculateurs, souvent intimidés, sans prétention particulière, mais avec dans certains cas de sérieuses limites. Même quand le stade de sélection est très élevé. On voit la très compatissante Laetitia Masson converser avec des personnalités assez sages. Bien évidemment il existe tout un tas de métiers différents enseignés à La Fémis, et cette école n'est pas une usine à auteurs.


Et aux dires de certains membres du jury, on nous a privé de certaines personnalités (le fameux "fou furieux" qu'on aurait bien voulu admirer, à moins qu'il ne s'agisse du barman dont nous dirons deux mots plus tard). C'est à croire que Simon a préféré montrer les plus "présentables" pour éviter de tomber dans la similitude avec un épisode de Striptease (dommage), sans qu'ils soient les plus brillants pour autant. Et l'on sent son désir de montrer une "diversité" qui n'apparaît pas dans les films estampillés Fémis, pour nous dire "vous voyez on prend tout le monde, on est pas snobs, on est pas dans l'entre-soi, on étudie tous les profils, tous ont leur chance". Mais il y a fort à parier que les élèves de cette promotion là ne réaliseront pas de chef d'oeuvre. Ou alors pas tout de suite. Petite revue express des candidats :



  • Le jeune moustachu aux cheveux filasses qui tente de vendre son histoire de tueurs chrétiens inspirés d'un fait divers dans son bled.

  • La fille qui lorsqu'on lui demande de citer un film qu'elle aime, se révèle incapable de donner le moindre titre (elle avait passé les écrits ! par quel miracle ?!), et semble plus loquace au moment de parler de journalisme (problème d'orientation scolaire ?).

  • Le barman au look de Chtis à St Tropez qui a descendu une caisse de Red bull avant le grand oral et qui est quand même gardé malgré un passage absolument consternant (mégalomanie, moulin à parole stérile le rendant plus proche de JCVD que de François Truffaut) parce qu'il est BG - enfin pour certaines - et que c'est "un bouseux" (sic). Une examinatrice exaltée prenant fait et cause pour le candidat en martelant cet argument "c'est un bouseux !". Simon voulait éviter à tout prix Striptease, ses sujets l'y font entrer de force...

  • L'italien baratineur qui a absolument tout compris au concept de la Fémis, à savoir - Je vais leur raconter l'histoire qu'ils veulent entendre avec l'exotisme italien qu'ils aiment tant "qu'est-ce qué ça ? Ma, cé lé porte bonheur sur la bateaux qué il m'a donné un pêcheur de Sicile... que symbolismo l'adversité qué etc...". Quand même démasqué par un examinateur sagace qui s'est aperçu qu'on était pas devant le nouveau Rosselini mais un petit malin tatoué qui joue du diabolo sur les plages de Taormina au mois d'août.

  • Le chilien beau-gosse qui ne sait pas aligner deux mots de français mais qui a tapé dans l’œil de 80% membres féminins du jury.

  • L'hurluberlu au look d'étudiant d'étudiant celt'geek complément imbitable avec son histoire de buisson...


S'il y avait d'authentiques auteurs en puissance dans cette promotion, Claire Simon a choisi de ne pas les montrer.


Certes, on est souvent dans le jugement sur l'apparence, et le spectateur n'a accès qu'à une partie de l'oral, et ne voit donc trop rien des dossiers. J'ignore si tous les examens oraux dans les autres disciplines souffrent du même problème. Il y a pas de raison pour à priori, puisque les examens de biologie, droit ou d'histoire sont fondés sur le contrôle de connaissance et par sur l’esbroufe auprès de producteurs et d'exploitants...


II. Le Jury / Les examinateurs :


C'est presque plus désolant du côté de cette armada mexicaine qui se veut cool de prime abord "la Fémis est une école sans étudiants, et sans professeurs" déclare fièrement le directeur - qui ne doit pas en être un non plus du coup - mais il y a en revanche un processus de sélection composé d'un innombrables d'examinateurs et de correcteurs dont les avis divergent et s'affrontent parfois tellement qu'on dirait une scène de conseil de classe dans P.R.O.F.S "cet élève est un génie, on lui a donné deux 19 ! Oui mais mais au tour d'après on lui donne deux 6 ! - Bah oui c'est normal, on l'a trouvé nul !". Cette pluralité de points de vues est certainement une richesse et une preuve d'égalité, dans l'esprit de la direction, mais dans les faits ça doit être un merdier pas possible où seules les grandes gueules parviennent à faire triompher leur opinion. Et dieu sait que c'est une question de chouchous :



  • Celle qui fait des "yeux de merlan fris" après le passage du barman...tout le misérabilisme et la bonne conscience qui filtrent à travers ce coup de gueule.

  • Laetitia Masson, qui dirait oui à tout le monde.

  • Les jurys qui critiquent les autres jurys.

  • Les jurys parfois trop pointilleux - la dent dure avec une ado encore peu sûre d'elle qui envisage plus volontiers le salariat à la responsabilité de gérer une salle avec ses propres ronds...


III. Bilan 


Le concours met du temps à démarrer. La phase des écrits est inintéressante au possible, et sert manifestement à planter le décors, à faire entrer le spectateur discrètement dans ces locaux où se jouent l'avenir d'une poignée de jeunes gens. Les oraux constituent la plus grande partie du film, comporte les scènes les plus captivantes. Elles amusent, consternent parfois, et font relativiser la renommée de cette école qui symbolise l'excellence du cinéma français. Au final, maintenant qu'on a mis un nez dedans, on se demande un peu pourquoi.

Negreanu
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le 5 juil. 2020

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