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Le complot pédophile ou le droit de cuissage chez les aristo

Impression mitigée après le visionnage de ce film-témoignage, qui, au final, s'avère être + une ébauche de biopic sur un écrivain prédateur, tant le personnage de Vanessa nous est présentée, et ce dès la scène d'ouverture, comme une coquille vide, un être effacé, amorphe, qui ne vit qu'à travers les livres.

C'est d'emblée cette absence de joie de vivre chez la jeune fille évoluant dans un milieu très bourgeois, certes abandonnée par son père, mais encensée par sa mère, qui s'en sert comme d'un trophée auprès de ses convives, qui interroge.

Un début de réponse semble être proposé dans la 2nde partie, celle post-emprise, où, devant le gâteau d'anniversaire, les 2 femmes pleurent face-à-face en chantant une chanson dont les paroles semblent évoquer les pudiquement nommés "abus" de l'enfance.

A cet instant, le malaise grandit: si cette mère, interprétée par une Laetitia Casta, ambigüe à souhait, a elle-même étée abusée, pourquoi accepte-t-elle que sa fille connaisse le même sort, allant jusqu'à recevoir à sa table un prédateur qui se targue dans ses romans de sodomiser des petits asiatiques de 8 ans?


La réponse, non verbalisée clairement dans le film, est évidente: parce que c'est comme ça dans la haute-bourgeoisie, la pédophilie fait partie des traditions, et se perpétue de génération en génération. C'est cette vérité? sur laquelle la réalisatrice ne s'attarde pas trop, qui glace le sang, bien + que les scènes à connotation sexuelle.

Matzneff lui-même confie à la jeune fille avoir été "initié" à 14 ans par un adulte. Voilà ce que les abus engendrent: des prédateurs narcissiques qui se délectent du mal qu'ils infligent dans leurs oeuvres, et des mères dissociées et alcooliques qui invitent à dîner et regardent avec admiration le puant qui souille la chair de leur chair (+ que toutes, c'est la scène la + gerbante du film ).


Au-delà de la simple figure du prédateur que représente Matzneff, c'est la loi implicite qui autorise et encourage le droit de cuissage de + ou - vieux monsieurs sur des enfants, qui donne la nausée. Les journalistes, les amis de la famille ( et sans doute la brigade des mineurs, bien qu'encore une fois, la réalisatrice évite de s'attarder sur ce point ), tous savent et tous consentent à ce qui se passe, une fois la porte de la chambre refermée.

Au nom de l'Aaaart, de la littérature, des traditions, les enfants sont sacrifiés, pour ne pas dire vendus. Ce n'est pas "Le consentement" mais "Le complot pédophile" que ce film aurait dû avoir pour titre ! :/


Pour en revenir au personnage de Matzneff, brillamment interprété par Jean-Paul Rouve, une légère déception subsiste: que sa composition n'intègre pas la double-personnalité propre à ce type de sociopathe. A aucun moment Matzneff n'est dépeint ( si ce n'est en paroles) comme un simple libertin/jouisseur/bon vivant. Le côté pédant et beau-parleur est présent, mais même en société, il garde le regard froid, l'air dur, ce qui est incohérent avec l'image sulfureuse mais sympathique que les médias avaient de lui, et rend encore + incompréhensible les raisons qui ont amené Vanessa ( et toute la société) à tomber dans le panneau. Pour attirer des petites filles dans son lit, juste des bonbons ou une réputation ne suffisent pas, il faut un air débonnaire, un abord chaleureux, protecteur, paternel, tous les manipulateurs le savent. Pourquoi à chaque instant du film, Matzneff n'est-il représenté que comme un sinistre prédateur?

La réalisatrice craignait-elle qu'en montrant le personnage le personnage sous un abord + jovial et + attachant, cela contribue à minimiser la portée de ses actes?

Je pense qu'il aurait été + pertinent de montrer les 2 facettes du personnage,, afin qu'en tant que spectateurs nous ressentions la même confusion que Vanessa.


Anecdote personnelle: il y a une dizaine d'années, j'avais effectué un entretien avec le directeur d'une grande chaine agro-alimentaire, spécialisée dans l'export de viande à l'international. Alors que je m'attendais à tomber sur un type sinistre, surprise, c'est un homme qui émanait la joie de vivre par tous les pores, au regard pétillant, qui me reçut pour évoquer avec enthousiasme son amour de la viande et son travail (qui consistait à envoyer par avion des cadavres de porcs en Afrique et Nouvelle-Zélande ). Au sortir de l'entretien, je ne savais que penser: son métier était-il si détestable que ça? Fallait-il vraiment l'interdire?

C'est la même incertitude que j'aurais aimé ressentir devant le personnage de Matzneff: est-il vraiment mauvais? Faut-il l'empêcher de forniquer avec des enfants?


A part ça, l'actrice jouant Vanessa me semble un peu trop âgée pour le rôle, le film aurait eu encore + d'impact avec une comédienne + jeune, pour coller à l'ignoble réalité.

Quant à la 2ème partie en mode stroboscopique sur les conséquences des viols sur la vie de l'adolescente, elle me semble être de trop. Il aurait été + pertinent de passer sans transition de la toute jeune fille à la femme adulte quadragénaire, et de montrer les conséquences, même subtiles, 20 ans après les faits, afin de sensibiliser le public aux effets désastreux à long terme de l'emprise et des viols sur les enfants. Il aurait aussi été intéressant de voir l'évolution de la relation entre la mère et la fille, ainsi que la relation entre Vanessa et ses enfants/mari ( si elle en a, n'ayant pas lu son livre ).


Bref, je trouve dommage que le film se concentre uniquement sur la période des abus et la figure du prédateur, plutôt que de s'intéresser + au personnage de Vanessa et à la manière dont sa relation avec Matzneff a impacté le cours de sa vie d'adulte et les moyens qu'elle a trouvé pour se reconstruire (ce qui aurait suscité une + grande identification au personnage, et + d'émotion chez grand nombre de spectateurs je pense ).

Encore une fois, dommage que le sujet de l'institution que représente la pédophilie dans les moeurs de la haute-bourgeoisie française n'ai pas été + creusé que ça, du moins de manière + explicite.

Reste que les acteurs livrent une prestation habitée, que le processus de l'emprise mentale est bien retranscrit, et que certaines scènes (l'apparition des petits garçons abusés dans le miroir, Vanessa adulte qui se transforme en Vanessa jeune fille lorsqu'on l'interroge) dénote une bonne connaissance du sujet de la part de la réalisatrice, ainsi qu'une vision et sensibilité féminine appréciable, qui n'aurait sans doute pas étée au rdv si c'était un homme qui s'était attelé à la tâche.


Je pensais ressortir du film avec le cerveau et le coeur à l'envers, ce qui n'est pas le cas, d'où la note un peu sévère.

Guraja
4
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le 26 mars 2024

Critique lue 26 fois

Guraja

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