Qui veut épouser ma fille ?
Avant de commencer la critique laissez-moi clarifier 3 choses :
- Je fais partie de ces connards qui n’ont pas pleuré à la fin du Tombeau des Lucioles, pire j’étais presque content à la fin (voilà à la fin de cette phrase j'ai perdu 90% de ma crédibilité et je me suis pris 50 dislikes)
- Je ne porte pas Takahata haut dans mon cœur, pour moi il n’a jamais su trouver le dosage exact entre la féérie et la réalité dans ses œuvres, ce que Miyazaki maitrise à mes yeux.
- Je ne connais pas le conte sur lequel est basé l’histoire et à vrai dire je ne pense pas que si ça avait été le contraire j’aurai vu le film autrement.
Mais voilà j’étais quand même très confiant pour Le Conte de la Princesse Kaguya, voyant des « Le meilleur Ghibli depuis Chihiro », ça a quand même de quoi faire baver sévèrement. Seulement voilà mes attentes ont grandi et fini par devenir supérieures à ce que j’attendais d’un Takahata. Et il faut bien le dire… J’ai été déçu.
Qu’on s’entende bien, Kaguya Hime n’est pas un mauvais film, loin de là, mais on retrouve ici un manque d’équilibre énorme qui empêche le récit de prendre pleinement son envol, pire il s’embourbe pour ne pas délivrer grand-chose au final.
L’histoire reste convenue mais j’adore le début et son message « On grandit au travers des connaissances », la Princesse pleure, elle grandit, elle rit, elle grandit,… Ce début de film me met en jambe. En plus la gamine a une tronche adorable. Puis ce que je redoutais arrive, l’ennui.
Le film dure 2h 15 et autant vous dire que je considère qu’un tiers lui est "amputable". Oui 45 minutes auraient facilement pu être coupées sans entraver l’avancée du récit, sans le rendre mièvre et le dénuer de sens. Je me suis surpris à regarder l’heure plusieurs fois en me demandant « quand est-ce que ça va vraiment commencer ? ». Le rythme est lent, mais comme le film ne raconte rien pendant ce temps…
Attention, à partir de là je vais peut-être spoiler l’histoire, vous voilà donc prévenu !
L’histoire tourne beaucoup trop sur le côté « Je ne veux pas être une princesse », le seul problème c’est que le spectateur a compris ça dès les 1ères minutes, pas besoin de le rabâcher sans cesse. Du coup j’ai eu l’impression au bout d’un moment que le film comprenait son problème et il a décidé de passer sur autre chose… L’arrivée des prétendants. Mon dieu que c’était long et trop attendu. Rien de neuf à l’horizon si ce n’est le style graphique particulier. Et l’histoire s’embourbe, ne démarre jamais… Pourtant la scène de fuite était magnifique, j’en ai encore des frissons en y repensant, Kaguya fuyant son destin, sa vie, par désespoir, qui détruit tout sur son passage, c’était magnifique et pouvait mener à une aventure incroyable… mais non.
Le film se regarde le nombril le reste du temps, développe beaucoup de personnages dont on en a strictement rien à faire. Du coup, oui, 45 minutes auraient facilement pu être virées.
Vers la fin vient pour moi le point d’orgue de ce qui ne va pas. La « magie ». Alors autant la magie de la princesse en elle-même j’ai aucun problème, c’est presque normal, autant la fin du film je ne peux pas, j’ai passé mon dernier quart d’heure à sourire comme un idiot parce que… Ça sort tellement de nulle part.
Dans certains films, la magie apparait comme un élément de surprise, là où personne ne s’y attend. Ici c’est différent, dès le début on comprend qu’il y en a… Puis elle est évincée le reste du film pour ressurgir vers la fin, sortant de nulle part, dérangeant le propos du film. Car oui le propos n’est pas la magie, il est autrement encré dans le réel. Tous les événements du film auraient pu être parfaitement réels, mais là BAM mawachigiri dans la gueule avec une transition trop abrupte et peu agréable.
Pourtant… En condensant le récit, il y avait quelque chose à faire, une énergie qui aurait pu ne pas se perdre.
J’en ressors du film encore plus déçu en me disant qu’il aurait vraiment pu être mieux grâce à un équilibrage des parties !
Il faut malgré tout lui reconnaitre certains bons points ! Le caractère de la Princesse est très bon, son personnage est très travaillé et agréable à suivre car tiraillé entre l’envie d’évasion et le désir de faire plaisir à ses parents. On suit l’évolution du personnage dans différents environnements ce qui donne vraiment l’impression qu’on la connait. Et en plus ses compositions de koto sont superbes.
Le design général est assumé et fait très bien ressortir les traits de caractère des personnages, sauf à certains moments où ils ont dit « Non t’as pas de budget pour ce plan, fais un truc moche ». Mais ce style graphique permet surtout des scènes complètement fantastiques qui m’ont enchanté. Dans ces moments là, l’animation s’emballe et le rythme effréné de la musique accentue encore plus les sensations de picotement qui nous parcourent déjà l’échine. La scène de fuite, la scène du cerisier,… autant de beaux moments qui ponctuent le film et tentent de relancer l’intérêt du spectateur. Et ça marche !
Hisaishi a encore fait un très bon travail, quoiqu’un peu paresseux sur certaines mélodies répétées en boucle sous différents aspects. Les morceaux de koto sont superbes et l’orchestre durant la scène de fin est grandiose, met en transe et émerveille.
Mais voilà, au final on voit beaucoup de choses qui ne servent à rien. On dit que dans les sables mouvants il faut éviter de trop bouger pour ne pas s’enfoncer plus rapidement, ici c’est malheureusement le cas. Après deux longues heures je vois le générique de fin qui vient me délivrer de ma chaise. Relâchant la sangle je décide de m’en aller sans aucun regret de la salle. Mais voilà que j’ai payé mon billet 11€ pour un film de 2h alors que s’il ne s’était pas regardé le nombril j’aurais pu payer 4€ de moins. Et en plus j’ai mis 3h à rentrer chez moi donc ça ne joue pas à sa faveur !
Trop long, pas assez équilibré et pas assez féérique. Je me vois déçu mais ça me permet de recadrer encore une fois ce que je dois attendre d’un Takahata qui malgré de gros efforts n’a jamais réussi à toucher mon petit cœur sensible… Et ce n’est pas aujourd’hui que je vais tomber amoureux.