Dédié au cinéaste Henri-Georges Clouzot, "Sorcerer" est en effet un remake de son film "Le salaire de la peur", ou plutôt une seconde adaptation du roman de Georges Arnaud. Souhaitant au départ réunir un casting de folie comprenant Steve McQueen, Marcello Mastroianni, Robert Redford ou encore Lino Ventura, William Friedkin se tournera finalement vers un cast bien différent, retrouvant pour la seconde fois un Roy Scheider tout juste auréolé du succès de "Jaws" et avec qui il entretiendra des relations houleuses.

Comme possédé par la grâce, par une folie ambiante sûrement dû à un tournage que l'on imagine éprouvant et dangereux, William Friedkin dynamite totalement le film d'aventure, le pousse dans la fange et la crasse, lui rend toute sa noirceur et sa violence, convoquant à la fois le cinéma de Peckinpah et le John Huston du "Trésor de la Sierra Madre".

Passée une introduction percutante et exemplaire en terme de caractérisation, Friedkin balance ses anti-héros dans un purgatoire moite et sans issue, en attendant le véritable enfer dont il ne pourront se soustraire. Ancrant son récit dans un contexte économique et politique tangible, le cinéaste illustre avec une puissance rare la lutte sanglante entre ses âmes errantes aux commandes de monstres rutilants et les esprits d'un paradis perdu bien décidé à ne pas se laissé faire, donnant lieu à un suspense à se bouffer les pouces des deux mains (la scène du pont, bordel !) et à des images d'une beauté à se damner.

Confrontation entre le feu incessant d'une industrialisation dévastatrice et une nature sauvage et implacable, "Sorcerer" parvient non seulement à exploser son modèle déjà remarquable, mais constitue en plus le film le plus dingue et le plus réussi de son auteur, pourtant responsable d'au moins trois perles, à savoir "French Connection", "L'exorciste" et "To live and die in L.A.".

Furieuse et suintant la mort et le cambouis par tous les pores, "Sorcerer" est une putain de claque cinématographique malheureusement méconnue, longtemps invisible, un aller sans retour vers l'enfer porté par un casting magistral et par le score anxiogène de Tangerine Dream.
Gand-Alf
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Gand-Alf and Emma Peel's Excellent Bluraythèque., Un film, une scène., Vus au cinéma., Accouchement au forceps. et Ca ferait un beau parking !

Créée

le 18 janv. 2015

Critique lue 2.9K fois

66 j'aime

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 2.9K fois

66

D'autres avis sur Le Convoi de la peur

Le Convoi de la peur
Gand-Alf
10

L'enfer vert.

Dédié au cinéaste Henri-Georges Clouzot, "Sorcerer" est en effet un remake de son film "Le salaire de la peur", ou plutôt une seconde adaptation du roman de Georges Arnaud. Souhaitant au départ...

le 18 janv. 2015

66 j'aime

Le Convoi de la peur
DjeeVanCleef
9

Le cas des espérés

À plat sur la toile, Roy promène son regard halluciné comme s'il voulait capturer les éclairs d'électricité qui dansent autour de lui. Je sentais que la fin du film approchait et j'aurais bien pu...

le 25 févr. 2016

54 j'aime

6

Le Convoi de la peur
ltschaffer
10

Voyage au bout du Styx

A l'occasion de la ressortie de Sorcerer par La Rabbia, j'en profite pour remettre à jour une ancienne critique de cette version restaurée, rédigée alors qu'elle avait été présentée à la Cinémathèque...

le 29 oct. 2012

54 j'aime

7

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

269 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

212 j'aime

20