L'autre Revenant
Une expédition de trappeurs, un guide grièvement blessé par un ours et laissé pour mort par ses camarades, en plein conflit entre Blancs et Indiens : en ce mois de février 2016, lorsque l'on réunit...
Par
le 11 févr. 2016
36 j'aime
Commençons par régler l’épineuse question du lien entre Le convoi sauvage et The Revenant, qui tous deux présentent la destinée de Hugh Glass, (ici rebaptisé Bass), trappeur en proie à l’hostile nature américaine. Une différence de taille permet déjà d’envisager les films séparément, même si la thématique du survival leur est commune : le rapport à Dieu “I’ve never much agreed with God’s will”, affirme ici le protagoniste, qui n’a pas non plus la mort d’un fils à venger, mais d’un vivant à retrouver. La dynamique s’en trouve modifiée, par l’évocation d’un double trajet : celui de ses lâches compagnons, l’ayant abandonné son sort, soumis à une forme de spirale infernale de l’angoisse et de la culpabilité, jusqu’à l’embarquement dans une rivière asséchée, et le sien, plus rectiligne
Le passé motive ainsi les deux camps : l’un, toxique, fait de Bass un véritable fantôme qui hante le capitaine, allant jusqu’à viser dans la nuit ses propres hommes ou tirer un canon dans le vide, cristallisant le vide autour d’une figure tragique qui finira fatalement par revenir. L’autre, bienfaiteur, est celui des souvenirs de Bass, de l’attachement à une forme modeste de sacré en la personne de sa défunte épouse, qui savait encore formuler quelques ébauches d’espoir dans une monde violent, un enfer sur terre dans lequel son mari refusait de faire naître un enfant. “Sometimes I think you know things nobody knows”, lui affirme-t-il au détour d’un flash back. Fort de cette appréhension supérieure, le survivant semble pouvoir avancer.
Car le monde qu’il traverse est une comédie humaine, un carnaval aussi risible que violent. De ce point de vue, Sarafian nous offre un panorama assez proche du monde traversé par le chauffeur de Vanishing Point : celui qui trace observe avec une forme de distance une foule bigarrée et malade. A l’aspect documentaire des méthodes de survie s’ajoutent donc le portrait des indiens et des colons, dont les tueries (y compris intestines) sont souvent l’occasion d’une aide pour le protagoniste. Si l’indien mutique semble osciller entre la violence insondable et une fusion avec la vie de la nature (comme dans cette scène d’accouchement), le blanc se caractérise par un degré de sophistication poussé dans ses retranchements, jusqu’à une forme de poésie absurde : cette tâche folle du déplacement d’un bateau (qui renvoie au flamboyant Fitzcarraldo), cette aliénation du capitaine deviendront d’ailleurs l’objet de fresques chez les indiens, fascinés par cette étrangeté de l’homme supposément civilisé. De ce fait, l’épique combat final se présente à la fois comme un enjeu extérieur au protagoniste, et la matérialisation de sa présence : au milieu, et témoin, craint, menacé, et protégé par une sagesse neutre le mettant à l’abri des coups.
Nul n’est besoin d’un regard caméra qui dirait la catharsis enfin accomplie, telle que celle de Di Caprio chez Innaritu : en effet, Bass ne cherche après tout qu’à récupérer son fusil pour s’en aller cultiver son jardin, retrouver son fils, loin de la folie meurtrière des hommes aliénés par une terre dont ils se croient les propriétaires. Réconcilié avec sa mémoire, prêt à faire croître la vie.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Nature, Western, Violence, Famille et Les meilleurs westerns
Créée
le 15 nov. 2016
Critique lue 1.3K fois
28 j'aime
D'autres avis sur Le Convoi sauvage
Une expédition de trappeurs, un guide grièvement blessé par un ours et laissé pour mort par ses camarades, en plein conflit entre Blancs et Indiens : en ce mois de février 2016, lorsque l'on réunit...
Par
le 11 févr. 2016
36 j'aime
Les premières secondes du "convoi sauvage" ("Man into wilderness" in the text), sont explicites. Tout de suite, on sait qu'il ne s'agira pas d'un western classique, par l'époque et le...
Par
le 6 août 2011
36 j'aime
5
Commençons par régler l’épineuse question du lien entre Le convoi sauvage et The Revenant, qui tous deux présentent la destinée de Hugh Glass, (ici rebaptisé Bass), trappeur en proie à l’hostile...
le 15 nov. 2016
28 j'aime
Du même critique
Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...
le 6 déc. 2014
774 j'aime
107
Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...
le 14 août 2019
716 j'aime
55
La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...
le 30 mars 2014
618 j'aime
53