Une expédition de trappeurs, un guide grièvement blessé par un ours et laissé pour mort par ses camarades, en plein conflit entre Blancs et Indiens : en ce mois de février 2016, lorsque l'on réunit ces éléments, cela fait inévitablement penser à The Revenant, le nouveau film événement d'Alejandro Gonzalez Inarritu. Mais ici, nous sommes en 1971, le film est réalisé par Richard C. Sarafian et l'acteur principal est Richard Harris.
Cependant, l'histoire est bel et bien identique : c'est l'histoire vraie de Hugh Glass, qui a été attaqué par un ours dans le Sud Dakota en 1823. Et si, dans le film de Sarafian, le nom du personnage est changé de Glass en Bass, l'allusion reste transparente.


Man in the wilderness est construit sur deux mouvements. Le premier, c'est le mouvement intérieur qui entraîne un Bass mourant à puiser des forces dans sa vie passée. Le film plonge alors dans cette introspection à travers toute une série de flash-backs nous permettant de mieux connaître ce personnage pourtant mystérieux. Nous voyons se dessiner devant nous le portrait d'un homme qui va progressivement rejeter la « civilisation » blanche avec ses religions et son mode social.
C'est dans cette quête intérieure que va s'effectuer également une sorte de communion avec la nature. « Le royaume du ciel est en toi comme en toute chose : la mer, le ciel, le vent », lui dira un personnage issu directement de son passé. Et c'est à travers la nature que Bass reconstituera ses forces.


Le second mouvement est celui de l'expédition du capitaine Henry. Les trappeurs cherchent à rejoindre le Missouri, poursuivis par les Indiens et par leurs remords. Ils ont abandonné le corps de Bass, mais son fantôme semble hanter le convoi. Henry, qui considérait Bass comme son fils mais n'hésite pas à faire avancer sa troupe sans esquisser le moindre retour en arrière, fait le guet chaque soir, comme s'il attendait l'arrivée de l'esprit du guide. Plusieurs fois on croit le voir, on lui tire même dessus avant de se rendre compte que ce n'est pas lui. Bass devient le symbole de la malédiction du convoi.
Car l'expédition est maudite. Le capitaine, rongé par le remords, s'enfonce dans la folie destructrice. L'image de ce bateau sans eau, ce bateau voyageant sur terre, montre bien le côté contre-nature de l'aventure. On est dans l'absurdité d'hommes qui perdent le contact avec la réalité. Ces images superbes, soutenues par une musique grandiose, donne au film un aspect épique qui contraste avec l'introspection de Bass dans une sorte de complémentarité.


Outre sa réflexion sur les liens entre l’homme et la nature, Le Convoi Sauvage se distingue aussi par une vision critique des pionniers Blancs. Même si les Blancs se prétendent « civilisés » et n’hésitent pas à qualifier les Indiens de « sauvages » ou « barbares », il n’en reste pas moins que les trappeurs détruisent la nature, abandonnent leur blessé, et tirent constamment les premiers lors des combats, sans même chercher à connaître les intentions des personnes en face. « Nous sommes les découvreurs de la nouvelle Amérique », dira le Capitaine Henry. Sarafian se livre donc à une attaque contre les pionniers du pays, une version critique des légendes fondatrices des États-Unis.
Sur un rythme lent, le Convoi sauvage s’inscrit dans cette liste de films des années 70 qui remettaient en question le western traditionnel, au côté de Jeremiah Johnson par exemple. L’interprétation est excellente, les images sont très belles, montrant un travail discret de mise en scène. Incontestablement, le film de Richard C. Sarafian est à redécouvrir.

SanFelice
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le 11 févr. 2016

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