Encore un film que je n’avais pas vu depuis une bonne vingtaine d’années, mais je me rappelle l’avoir vu et revu avec plaisir quand j’étais tout petit grâce aux multi-diffusions télévisées. C’est sûrement en grande partie cette joie juvénile qui effleure à nouveau qui peut expliquer le plaisir à le revoir aujourd’hui. Je retrouve le même rythme, la même mécanique et ce délicieux quiproquo qui fait le sel de ce film.
L’idée du film reste cette méprise sur l’identité de Pierre Richard : il croit être engagé pour un rôle de tueur sur un film, alors que ceux qui l’engagent croient qu’il est réellement un assassin. Peut-être que cette idée de base plaçant Pierre Richard dans une situation qu’il ignore, qui le dépasse même, alors que les autres en prennent conscience rappelle un peu trop le diptyque du grand blond d’Yves Robert. C’est vrai qu’on a un peu l’impression qu’on essaie d’appliquer une recette qui marche.
Cependant, le style de cinéma de Gérard Oury donne une teinte particulière, fort agréable, qui efface plutôt bien cette première sensation. Le rythme enlevé, la cadence à laquelle on passe d’une scène à une autre et le comique presque exclusivement physique auquel se livre Pierre Richard assurent sa singularité à l’ensemble. L’imagination débordante de Gérard Oury et sa fille Danielle Thompson à l’écriture du scénario joue avec l’actualité de la guerre froide et la mécanique des films de James Bond, aussi bien qu’avec la filmographie de Pierre Richard, plus précisément de son personnage de distrait, de maladroit ou de malchance, de quelqu’un qui subit le monde sans arrêt, à son corps élastique défendant, sans trop parfois s’en rendre bien compte.
Ici, on lui ajoute un donjuanisme qui pimente encore plus sa vie bourrée d’ennuis en tout genre. Le héros reste malgré tout enthousiaste, démerdard, toujours en mouvement, sans aucun temps mort, sans pouvoir respirer et prendre conscience du monde réel qui l’entoure. Dans une course folle perpétuelle, il est un bolide inarrêtable.
Seule Valérie Mairesse arrive un court temps à le stopper, à le canaliser, mais si peu, il repart aussitôt. Dans un rôle sexy de fausse blonde aussi imbécile que peroxydée, l’actrice trouve un rôle sympathique mais finalement sans grande envergure, mans je ne peux m’empêcher d’aimer sa prestation. Dans ce cadre étroit, elle réussit à lui donner de la consistance, ce qui n’est pas loin d’une gageure au départ.
Gérard Jugnot, le pauvre, est cantonné à un rôle de français moyen, très ordinaire : difficile pour lui d’exister, d’avoir une réelle prise. Et la mise en scène ne l’aide pas, le bob sur la tête, l’épouse qui le fait cocu, le portrait n’est jamais flatteur.
On notera le rôle mutique (à 99,99% du temps) du mythique Gordon Mitchell, que les amateurs de cinéma bis auront reconnu. L’acteur américain est plus connu pour ses multiples rôles dans le cinéma de genre italien.
Dans le rôle de la “baleine”, le grand Gert Fröbe nous rejoue Goldfinger, en le parodiant sans vergogne. Les fans de James Bond dont je suis auront donc le choix de trouver le procédé au mieux juste rigolo ou pire pathétiquement douteux. Je vais être indulgent et opter pour le premier choix quant à moi.
Décidément, je suis très gentil avec ce film alors que dans un coin de ma tête s’accumulent une flopée de sérieux bémols. Non, je ne veux pas les voir en face, de manière froide, aseptisée, j’aime bien ce vieux film, j’avais une trop grande tendresse pour lui lorsque j’étais môme, ses diffusions du dimanche soir étaient de bien trop caressants baumes avant de devoir retourner sur les bancs de l’école pour que je laisse une objectivité sans saveur me débulber l’affect.
Captures et trombi