Comme Norbert Wiener démontrait la possibilité de fabriquer des bourreaux insensibles à partir de simples êtres humains, Costa-Gavras démontre, et avec quelle aisance, comment notre course à la réussite fabrique aussi des serial-killers décidés et pétris de -bonnes- intentions ! Pour peu que l'on s'identifie au modèle de la réussite familiale du middle-class de la trentaine bien passée aux dents longues, et l'on devient parano lorsque l'on croise des types encravatés sous imperméable. Évidemment, c'est un peu une métaphore. Mais ce meurtre, symbolique, n'est-ce pas celui que l'on aurait pu percevoir dans les suicides chez Orange ou dans le monde agricole récemment, conséquences de politiques manageriales ou sociétales qui poussent les individus à écraser les collègues ou... au burn out ?
Ça fait froid dans le dos, c'est d'une logique implacable, et ça vous prend aux tripes, car on finit par adopter les justifications morales du tueur en col blanc et on attend avec anxiété le moment ou les très flegmatiques autant que classieux inspecteurs vont venir nous confondre, avec leur sourire sadique. Le suspense, l'humour noir et, clin d'oeil permanent, les publicités porno-chic dans les abribus... tout est là pour nous métamorphoser à nos dépends en combattants désespérés de la cause des multinationales... et nous retourner contre elles. Le jeu d'acteurs est impeccable... Le rythme faiblit un petit peu sur la fin, c'est bien dommage... Mais c'est la meilleure illustration filmée de l'expression "l'homme est un loup pour l'homme" que j'ai vue depuis longtemps. Tiens, pour m'en remettre, je vais revoir la vidéo de "Grève Party" !