A voir dare-d'art

Le film du belge Frédéric Sojcher est une rareté comme on en voit peu au cinéma. C’est une sorte de comédie romantique cinéphile dont ressort un vrai amour pour le septième art et dans laquelle le couple Jaoui-Zaccaï fait des merveilles. Mineur dans sa forme, le film vaut le détour selon moi.

Noémie retrouve Vincent, son amour de jeunesse, dans l'école de cinéma dont il est désormais directeur. A travers une Masterclass hors norme, elle va apprendre à Vincent et ses élèves que l'art d'écrire un scénario c'est l'art de vivre passionnément.

Ce qui fait d’emblée plaisir pendant le visionnage du film, c’est son ambiance érudite et bavarde, dans le meilleur sens du terme. Le film est une succession de dialogues entre étudiants ou entre les anciens amants. Pendant la masterclass, au cours d’un repas à la bonne franquette, autour d’un café. On parle de tout et de rien, de sujets plus ou moins signifiant dans la cours, de cinéma.

Ce qui est jouissif pour un cinéphile comme moi, c’est qu’on discute sans cesse de cinéma. On parle de façon passionnante de l’art du scénario, son importance pour un film et les méthodes pour l’écrire. Cerise sur le gâteau, j’étais assez de l’avis de la scénariste Noémie (et donc celui d’Agnès Jaoui car le personnage est calqué sur elle et celui de Frédéric Sojcher en tant que cinéaste). Il me semble en effet que le cinéma français contemporain a tendance à privilégier le naturalisme, le spontané. Le message, la description d’un milieu social, professionnel semblent primer sur le romanesque. La masterclass de Noémie/Agnès Jaoui me semble donc être du meilleur effet. Et puis, le film fourmille de références cinématographiques. On mentionne ‘Qui a peur de Virginia Woolf ?’ de Mike Nichols et ‘L’Arrangement’ d’Elia Kazan, on cite le cinéaste Paul Schrader.

Le plus beau dans le film est la sorte de poème, l’ode que Frédéric Sojcher semble écrire autour d’Agnès Jaoui. Déjà, j’admire le talent artistique ainsi que la personnalité de l’actrice. Quand on entend la conférence de Noémie, on a l’impression d’écouter Jaoui parler de son art de scénariste. Au cours de la scène de repas, on a l’impression d’entendre l’actrice défendre ses propres convictions, sa vision à elle de la vie. Et puis, le film semble découler des thématiques développées par Jaoui dans les films qu’elle a réalisés. Notamment, le poids du regard des autres. On pense bien sur au ‘[Le] goût des autres’ et à ‘Comme une image’.

L’aspect comédie romantique est vraiment réussi. C’est tout à fait charmant. Le couple Jaoui-Zaccaï fonctionne parfaitement. Et puis, les acteurs sont absolument excellents. J’ignore si les deux acteurs se connaissaient avant de tourner le film ou s’ils avaient déjà joué ensemble. Mais il y a une véritable alchimie entre eux. Il faut dire que les personnages sont sensiblement écrits. Elle semble être une dure-à-cuire farouche et libre mais elle cache un certain malaise face à ses envies de liberté et les dégâts qu’elle a pu causer. Lui semble perdu, ne sachant plus où il en est. Comme dans toute comédie romantique, on ne rêve que d’une chose : qu’ils se remettent ensemble. On ne dévoilera pas la fin, mais elle est à la fois étonnante et émouvante.

Formellement, le film est assez mineur. Frédéric Sojcher est davantage un scénariste, un passeur de cinéma qu’un metteur en scène. Le film a un charme foutraque qui rappelle de temps à autre certains films de Pascal Thomas mais le filmage est assez lâche.

Si le film ne passera sans doute pas à la postérité, il n’en demeure pas moins plaisant, touchant. On passe un excellent moment car les comédiens sont excellents. En plus du duo Jaoui-Zaccaï, on croise la charmante Géraldine Nakache et j’ai adoré Guillaume Douat dans le rôle d’un étudiant/grand dadais saoulant mais peu sûr de lui.