Une entreprise rare : 12 cinéastes dont les premiers courts-métrages ont été exhumés, accompagnés pour tous d'une analyse écrite et, pour certains, de l'interview d'un professeur ayant formé lesdits cinéastes.
La course automobile pour Georges Lucas avec 1:42.08, soit 7mn de tours de piste à la limite de l'abstraction tant le futur papa de Star Wars en éclipse le facteur humain, pour un résultat vite redondant. Plus une bande démo qu'un vrai film en soi. L'étonnant A boy and a bicycle de Ridley Scott pèche quant à lui par sa durée excessive : 27 mn où le futur metteur en scène de Blade Runner filme, avec un beau sens du cadre, les errements de son (vrai) frère. Abouti mais un peu anecdotique, contrairement au génial court du petit frère en question, feu Tony Scott, lui aussi de l'aventure avec One of the missing : un soldat immobilisé pour 12mn de suspense intense aux allures de survival. Peut-être le chef-d'oeuvre de cette anthologie.
Belle surprise également que Storytime, le délire animé de Terry Gilliam où l'auteur de Brazil fait déjà montre d'une opulence visuelle inconsciente. Pas ou peu de surprise en revanche pour Avant-dernier, le court de Luc Besson, en tous cas pas pour ceux qui connaissent et apprécient son chouette premier long-métrage, Le dernier combat, film d'anticipation en N&B dont Avant-dernier constitue un brouillon. Paul Verhoeven, dont le talent manifeste trouvait là un beau prétexte, livrait de son côté avec Un lézard de trop l'étude d'un triangle amoureux où création artistique et diktat des apparences se renvoient la balle. Remarquable, autant qu'annonciateur du sulfureux Turkish Delight.
Nocturne, signé Lars Von Trier, fait quant à lui déjà montre de l'ambition plastique du futur créateur de Element of crime et Antichrist. Toujours en quête d'idées visuelles stimulantes, son court-métrage fascine autant qu'il déconcerte. De son côté, Le gros et le maigre de Roman Polanski tourne un peu trop vite en rond en dépit de sa courte durée, et ce malgré l'affection évidente du cinéaste pour ses personnages hors-du-temps et dépendants l'un de l'autre. Emir Kusturica, avec Guernica, fait preuve de nettement plus d'ambition en prenant l'oeuvre de Picasso pour point de départ de la découverte par un enfant des horreurs du fascisme.
Captivant et pédagogique, ce qui est aussi le cas du The Burning de Stephen Frears, tableau de la révolte sud-africaine du point de vue d'une famille blanche et de leurs esclaves. Une belle démonstration, tout comme celle, intimiste, du Peel de Jane Campion, chronique familiale dont la simplicité (des tensions au fil d'un trajet automobile en famille) n'empêche pas la pertinence, loin s'en faut. Compliment aussi mérité par The Lift de Robert Zemeckis, qui dévoile déjà tout le talent de conteur du papa de Roger Rabbit dans cette allégorie absurde et cruelle de la banalité quotidienne, magistralement découpée.
L'un dans l'autre, une compilation passionnante dont on regrette qu'elle se soit "contentée" de cette poignée de noms désormais bien connus. Car si certains travaux se révèlent moins fulgurants que d'autres, la vue d'ensemble de ce travail d'archiviste autant que de cinéphile permet d'en apprécier la force. En clair : vivement le prochain !