Sur une période de deux jours, espacés entre 1968 et 1973, on suit la vie d'un vieil forgeron bourguignon et de son épouse, celle-ci étant décédée entretemps. L'homme, nommé Jules Guitaux, reprend la forge, et ainsi reproduire ce qu'il a fait durant toute sa vie.
Voir ce documentaire, sorti en 1973, est vraiment signe d'un temps révolu, une France préhistorique, où ce couple semble être loin de tout, vivant de manière simple, ils sont d'ailleurs chaussés avec des sabots, où ce sont deux journées ordinaires, où très très peu de mots sont échangés, et il n'y a aucun commentaire. Il a été reconnu à sa sortie, mais je pense que des décennies plus tard, le documentaire prend une autre dimension sur une France désormais engloutie. Une ruralité qui n'existe quasiment plus, où les mots sont inutiles dans un couple qu'on imagine marié depuis des décennies, d'où l'aspect touchant qui en sort. L'épouse prépare une soupe, fait le café, tout est dans cette simplicité, il n'y a ni musique ni télévision, c'est à peine si ils ont l'électricité. De plus, il faut aussi souligner les qualités formelles du documentaire où la présence du son est primordiale, notamment les scènes dans la forge, mais également une image sublime, filmée en Cinemascope. D'ailleurs, ça a été le premier travail de Pierre-William Glenn en tant que directeur de la photographie, lequel a supervisé la restauration lors de sa ressortie en 2012.
La deuxième partie, qui survient après le décès d'Eugénie, se veut plus mélancolique, avec Jules qui se rase, qui déjeune (avec un verre de vin), qui va quand même dans les champs à plus de 80 ans pour au final faire sa soupe dans une nuit noire.
Avec le recul du temps, il y a quelque chose de bouleversant dans ce documentaire, le bon goût des choses simples comme dirait l'autre. Par contre, je préfère prévenir qu'en guise de rythme, il faut être prévenu par la longueur des scènes, qui sont in extenso, mais c'est aussi paradoxalement ce qui en fait sa beauté.