Roman Polanski est certes un personnage discutable, mais c'est indiscutablement l'un des grands metteurs en scène de la fin du XXème siècle, à la tête d'une filmographie certes irrégulière, mais toujours passionnante. Se pencher sur les premiers films de Polanski est donc incontournable pour tout cinéphile qui se respecte, et "le Couteau dans l'Eau", bien que co-signé par le génial Jerzy Skolimowski; sera forcément jugé à l'aune de l’œuvre qui suivra. Premier film remarqué à l'époque de sa sortie, alors que le "cinéma moderne" était en pleine éclosion à travers l'Europe, il s'agit toutefois d'une oeuvre maladroite, et relativement frustrante : si le travail formel est absolument remarquable, la plupart des plans étant absolument magnifiques, et témoigne de l'aspect "exercice de style" d'un jeune homme qui sortait juste - me semble-t-il - d'une École de Cinéma, le propos du "Couteau dans l'Eau" témoigne d'une confusion qui empêche vite l'adhésion du spectateur. Car finalement, sommes-nous devant une critique sociale, qui pointe la déliquescence morale d'une société polonaise où les rapports entre individus sont uniquement des rapports de force ? Ou devant un jeu pervers d'un couple fatigué s'amusant à se faire peur en invitant un tiers au milieu de leurs ébats et de leurs conflits ? D'un thriller avorté (le fameux "couteau" du titre, promesse non tenue de violence) ? D'un conte moral faisant écho au travail d'un Rohmer en France ? Un peu de tout cela à la fois sans doute, et c'est bien là le problème... Du coup, malgré la virtuosité de Polanski, on s'ennuie un peu devant ces péripéties qui ne mènent pas à grand chose, jusqu'à une conclusion certes symbolique (le film s'arrête devant une décision non prise, une voiture arrêtée à un carrefour devant un panneau indicateur), mais témoignant surtout de l'indécision de Polanski et de Skolimowki, plus que d'une véritable ambigüité fertile. [Critique écrite en 2017]