Le Couteau dans l'eau est le premier long métrage de Roman Polanski. C'est un film plein de suspense, mais d’un suspense très différent de ce qu'on aura l'habitude de voir chez lui (ou chez Alfred Hitchcock) par la suite. Ainsi, il n’y a aucune violence (ou très peu) ni de sang versé durant tout le film. Toutes les tensions ici sont suggérées, qui vous feront dire : "mais a-t-il vraiment voulu dire ce que je pense qu’il a dit ?"
Le Couteau dans l'eau met en scène d’étranges jeux de pouvoir entre un jeune vagabond qui ne possède que son sac à dos et un journaliste sportif fortuné, ainsi que son épouse apparemment soumise (mais seulement en apparence) et au physique apparemment disgracieux (mais seulement en apparence). Le couple invite le jeune homme sur leur petit yacht et c'est à ce moment-là que les choses "sérieuses" commencent ...
Très vite, un sourd antagonisme oppose les deux hommes, ça monte crescendo tout au long du film, jusqu'au moment où le jeune homme tombe à l'eau. De panique, le mari part à la nage pour rejoindre la terre ferme, laissant derrière lui sa femme avec qui il s'est disputé. Mais voilà que le jeune homme réapparait par miracle et séduit sa femme restée seule sur le yacht ... FIN
Bien que l’intrigue soit en elle-même très simple, voire même simpliste (le scénario tient en cinq lignes), il y a aura beaucoup de non-dits qui en disent plus long que toutes les paroles. le film se distingue par la mise en scène de Roman Polanski qui, grâce à des cadrages très subtils, indique les changements d’allégeance entre les trois personnages. La mise en scène et la composition des plans, c'est la grande force du film. Bien que l'action et presque tout le film se déroule sur un petit yacht, en forme de huis-clos (un peu comme dans Lifeboat d'Alfred Hitchcock), c'est du vrai cinéma et on n'a jamais l'impression d'être devant une pièce de théâtre.
Le trésor du mari fortuné se trouve dans ses biens, parmi lesquels on trouve sa femme qui, de toute évidence, est bien plus jeune que lui. Au fur et à mesure que le film avance, elle quitte ses lunettes disgracieuses, détache ses longs cheveux et laisse apparaitre une fine silhouette qu'on ne soupçonnait pas. Le scénario, mais aussi la mise en scène Roman, font en sorte de la rendre de plus en plus séduisante. Là sur le pont, allongée en bikini, elle suscite des attentes entre les deux hommes et sa beauté finit par attirer l'attention du jeune vagabond. Sa stratégie de séduction est bien étudiée, presque de façon inconsciente, c'était déjà en elle. Le mari sent alors une menace dans la jeunesse, la force, la cool-attitude et la virilité du jeune vagabond.
Le Couteau dans l'eau est juste beau, mais dans un sens triste et mélancolique. J’ai rarement vu une image qui capture aussi bien les changements de temps durant toute une journée. On passe soudainement du ciel gris et bruineux avec une eau de mer agitée, à un ciel transpercé par des rayons du soleil. L’œil de Roman Polanski est infaillible, mais ne vous attendez pas à ce qu’il cède à la facilité. Le récit est ancré dans la réalité, de même que sa mise en scène. Ne vous attendez pas à des explosions de violence ou à du mélodrame exacerbé. En cela, Le Couteau dans l'eau est très différent de certaines de ses œuvres ultérieures comme Répulsion, Rosemary's Baby ou Le Locataire.
Le Couteau dans l'eau de roman Polanski est un film implicite, ingénieux, raffiné, envoûtant et intègre ... une vraie réussite pour un premier film.