Cette épopée aérienne a été traitée en superproduction par John Guillermin (habitué du genre, il signera ensuite la Tour infernale et King Kong) grâce au solide budget alloué par la 20th Century Fox, mais elle raconte surtout l'ascension et la chute d'un jeune pilote allemand pendant la Première guerre mondiale. Les films sur cette guerre n'étaient plus à la mode dans les années 60 qui préféraient dépeindre la Seconde guerre mondiale, et en plus c'était vu du côté allemand, d'où sans doute son relatif échec commercial. C'est dommage car c'est un film plein de qualités.
La Première guerre mondiale fut très en vogue dans les années 30, le Crépuscule des aigles rappelait des productions comme les Ailes ou la Patrouille de l'aube, mais souhaitait surtout à travers ce portrait d'officier, montrer les balbutiements de l'aviation de chasse allemande. Etrangement, il se désintéresse des batailles et du conflit en lui-même, la guerre sert de fond pour dresser le portrait de cette force aérienne allemande peuplée d'aristocrates (comme le fut Von Richthoffen, le fameux "Baron rouge") qui comme le sera l'armée allemande en 1939, se croit supérieure aux autres.
George Peppard, alors jeune premier d'Hollywood, a la blondeur germanique qui sied à ce rôle d'officier ambitieux et arrogant d'origine modeste, qui veut devenir un as de l'aviation et qui doit se faire une place dans cette échelle sociale remplie d'officiers racés et issus de milieux aristocratiques ; son rôle est assez similaire à celui qu'il avait tenu dans les Ambitieux qui était un biopic déguisé de Howard Hughes, soit le portrait d'un homme d'affaires arriviste. Ici, il écrase des têtes et ne recule devant aucune bassesse pour obtenir la Blue Max, médaille suprême de l'aviation allemande, mais l'ironie du sort réserve un final assez juste.
Le réalisateur dresse en même temps un intéressant parallèle entre ces combats aériens et cette caste privilégiée qui entre 2 raids, se distrait dans des châteaux en compagnie de belles femmes en buvant du champagne, pendant que les soldats terrestres se font massacrer dans les tranchées boueuses. De même que comme ceux sur la Seconde guerre mondiale et vue du côté Alliés, le film n'évite pas le couplet patriotique et l'héroïsme militaire. Pour incarner tout ceci, il fallait un beau casting, et on est servi avec un Peppard remarquable qui trouve sans aucun doute son meilleur rôle, Ursula Andress qui apporte un peu de douceur dans cette tension martiale en déployant son insolente beauté, James Mason qui excelle toujours en officier allemand au flegme légendaire (rappelons-nous de son rôle de Rommell dans le Renard du désert), et Jeremy Kemp qui campe le rival solide et dur de Peppard...
Les séquences aériennes sont bien réglées, même si malheureusement elles laissent à désirer sur un détail par rapport à d'autres films sur le sujet, à cause des plans filmés en réel et des plans filmés en studio (transparences visibles, différences de luminosité du ciel, raccords douteux) ; c'est le seul petit défaut de ce film qui constitue à la fois un bon divertissement et une réflexion sur la guerre et le comportement des officiers, car pour Hollywood à cette époque, c'est souvent le spectacle qui l'emporte tout en renouant avec l'esprit du film d'aventure traditionnel.