Très particulier et dur, ce film est reçu comme un direct au foie par le spectateur, un coup inattendu qui fait vraiment mal. Troisième titre pour « Les nuits en or » de la tournée 2013 des courts métrages sélectionnés par l’Académie des César.
Le film présente une famille tranquille au premier abord, mais au premier abord seulement. Le début montre une fillette innocente (l’innocence avec sa perte, thème majeur du programme), cachée sous un lit pour jouer. Cela se passe dans une maison plutôt tranquille, quelque part en France.
Cela se passe en France, mais on réalise rapidement que les protagonistes principaux ne sont pas français. Ce sont des Russes qui ont fui Moscou pour des raisons qu’on finit par imaginer. La nouvelle du jour, c’est qu’Andreï, le grand frère de Natacha l’adorable bout de chou qui jouait sous le lit, Andreï est de retour. C'est un jeune homme d’une vingtaine d’années, costaud, visage sévère, qui sort d’une voiture, vêtu d’un treillis militaire. Il revient de la guerre, la guerre en Tchétchénie semble-t-il. Sa mère lui annonce qu’il ne doit surtout pas dire d’où il revient. Andreï est sensé s’intégrer doucement à la nouvelle situation de la famille, dans un endroit où il a tout à découvrir, à commencer par la langue parlée.
Pour le repas, des homards sont au réfrigérateur. Encore vivants, la mère demande à Andreï de les tuer (d’où mon titre qui n’est en aucun cas une prise de position dans une affaire judiciaire ayant défrayé la chronique). Andreï a une manière de s’y prendre assez révélatrice de sa mentalité. On en saura encore un peu plus quand il sera chargé d’aller récupérer la petite Natacha à l’école. La petite se fait appeler Natalia (prénom utilisé dans les sous-titres, puisque entre eux, les membres de la famille parlent Russe), alors que j’ai distinctement entendu Natacha comme étant son prénom réel. Cette précision a son importance, car si Andreï trouve sa petite sœur, il est incapable de faire comprendre son lien de parenté à l’institutrice. D’où une situation tendue qui va dégénérer.
Pour Andreï, ce n’est que le premier incident du genre. Cela amène la famille à évaluer la situation pour prendre une décision ultra-rapide et irrévocable. La chute est filmée d’une manière intelligente et inoubliable.
Pour ce film de 30 minutes, son réalisateur Nicolas Guiot a obtenu le César du court-métrage 2013 ainsi que le Prix Magritte 2013 du meilleur court métrage de fiction en Belgique. Le film surprend jusqu’à la fin et il évoque les conséquences que peuvent avoir le déracinement, surtout lorsque celui-ci est brutal. La brutalité des réactions est marquante. Tout ceci est bien amené. La mise en scène est sobre, les décors adaptés, et le casting impeccable, jusqu’aux jeunes acteurs. Un vrai choc, constat social sans la moindre concession. Le film est destiné à marquer, pas à distraire. En ce sens, il est indéniablement réussi.