Ce film d'Alberto Lattuada est le plus convenu que j'ai vu pour l'instant, un bon cran en-dessous de "Les Adolescentes" et "Mafioso" qui appartiennent à une époque très différente de sa filmographie, 15 ans plus tard. Le sort du personnage joué par Aldo Fabrizi est un peu attendu, la faute à des mouvements qui sont quand même assez prévisibles et disons bassement explicites : Giovanni Episcopo dans sa morne vie quotidienne de comptable, Giovanni Episcopo découvre l'effervescence d'une fête, Giovanni Episcopo rencontre un arnaqueur professionnel, Giovanni Episcopo sous le charme d'une belle femme, Giovanni Episcopo sur qui le piège se referme, etc. Tout le film est comme ça, sans trop de surprise — ce qui n'est en soi pas forcément un défaut mais il faut que le reste suive —et comme cadenassé sur son chemin tranquille avec pour objectif l'explication de son titre, "Le Crime de Giovanni Episcopo".
Très classique aussi dans le bon sens du terme, avec une photographie plutôt irréprochable et quelques ambiances extrêmement bien travaillées, comme la scène de rencontre avec l'escroc Giulio Wanzer (en exagérant les traits on a presque là un Nosferatu, et pour filer l'analogie avec le cinéma expressionniste allemand, le film s'apparente presque à un pacte faustien) et la séquence où le délit se noue, mise en scène comme un film noir, avec des éclairages millimétrés pour faire éclater les reliefs en ombre et lumière. Disons aussi qu'on la voit venir de loin, la rupture de ton, dès l'introduction où on nous montre le protagoniste engoncé dans sa petite vie un peu triste, gentil mais fade, raidi par les petites habitudes. Dès que l'alcool et les femmes arrivent, on sent que quelque chose est en train de virer, déjà. Défilent alors les différents personnages et les différents dispositifs, la voix off racontant les faits d'une voix fataliste, la femme fatale, l'ambiance urbaine nocturne, avec une bonne couche de mélodrame.
J'aurais presque tendance à penser que Alberto Sordi vole la vedette à Aldo Fabrizi en l'espace de deux scènes, pas plus. La fête du nouvel an notamment est assez radicale, on voit Sordi rôder autour de la femme de Fabrizi (les deux se sont mariés pour on ne sait trop quelle raison, au-delà de l'aspect pragmatique annoncé) et les soupçons d'infidélité explosent avec un sourire carnassier et une danse. Au milieu de la foule en délire, le protagoniste semble totalement paumé, c'est tout juste si tout le monde ne se fout pas de sa gueule ouvertement.
Un peu de Renoir, un peu de Murnau, un peu de Von Sternberg même, mais la tambouille n'est pas assez réussie, l'alchimie des ingrédients pas assez raffinée pour convaincre et emporter pleinement.