Un voyage agréable mais daté...

Un film de Sidney Lumet, une pléiade d'acteurs de l'age d'or d'Hollywood pour une des bonnes intrigues d'Agatha Christie, vous passerez deux heures de bon voyage à bord de l'Orient-Express en regardant le film plutôt que de lire le livre de l'autrice directement.

Parce qu'il faut reconnaitre que l'oeuvre filmée est très fidèle à l'ouvrage et qu'il s'agit du premier essai vraiment hollywoodien, en couleurs et avec des stars éprouvées. Fallait-il insérer plus d'humour et de peps sur une intrigue réduite comme les excellents films anglais réalisés dans les années 60 avec Margareth Rutherford mais que n'avaient pas spécialement appréciées la reine du crime par cette originalité créatrice ou se conformer à une retranscription fidèle ? L'autrice étant encore vivante, ce choix a peut-être été encouragé et il faut reconnaitre qu'Albert Finney campe un Hercule Poirot très sérieux, rarement drôle mais dont la sobriété et l'énergie correspondent surement bien à ce que l'autrice pourrait dire de son personnage.

On se retrouve donc dans une interprétation classique : on plante un décor, il y a un meurtre, une série d'interrogatoire personnalisé pour arriver à un dernier rendez-vous final d'explication longue mais d'une conclusion implacable. Vous avez demandé de l'Agatha Christie, c'est fourni et bien fourni.
Le jeu des acteurs est plaisant dans cet environnement même si l'on peut trouver que le chemin est très balisé et que les fausses pistes sont trop peu exploitées, comme dans le roman.

Il est par contre intéressant de noter que l'autrice n'évoque pas directement l'affaire Lindbergh dans le roman. On peut donc s'interroger sur le momentum de présenter dès l'introduction et d'une manière aussi détaillée l’assassinat de Daisy Armstrong. A chacun de se faire son opinion sur l'utilité et le momentum choisi pour présenter ce prequel.

Il reste aussi quelques éléments peu agréables quand je le compare aux oeuvres suivantes (mort sur le nil, meurtre au soleil...) qui datent terriblement celui-là : un champ étriqué, légitime dans un train, mais qui donne une impression assez étouffante surtout pour les parties filmées dans les cabines avec ce décor en bois permanent qui ne met pas en valeur le train. Or cet intérieur luxueux méritait beaucoup d'attention surement.
Et une lumière extrêmement blanche, très artificielle, qui fixe la colorimétrie des visages, des costumes et de l'intérieur du train.
Plus que le rythme un peu lent, ce coté étriqué, suffoquant et peu valorisant du train et cette lumière là sont à retenir. Ce qui a été fait me semble-t-il par Guillermin avec Mort sur le Nil : Un bateau (des cabines mais décor non extensible) et une lumière intérieure beaucoup plus chaude.

Je remercie donc Lumet d'avoir su réaliser cette oeuvre fidèle et d'avoir encourager les oeuvres suivantes à en tirer des principes (décor posé, meurtre, interrogatoire, final) et des choix visuels qui en ont fait de bien meilleures restitutions : plus de fausses pistes, une attention renforcée sur le traitement des lieux / lumière et le choix d'un Hercule Poirot différent, en tout cas moins sérieux.