Mièvrerie collective

Face aux films policiers américains contemporains, Renoir tourne un polar à la sauce française, brouillon, fait de bric et de broc, prétexte pour une pseudo plongée sociale dans l’époque. Le frêle scénario n’a guère d’intérêt, les dialogues sont stéréotypés, les personnages sans envergure, le jeu des acteurs théâtral, la direction des acteurs mauvaise, le son de piètre qualité : bref, rien qui ne vaille la peine.

Certains y voient pourtant un film libertaire, une œuvre majeure même : en fait, si ce n’est la lutte entre le patron et la coopérative, au fond peu développée et très secondaire dans le film, ou encore l’insertion de publicités pour des médicaments dans les aventures d’Arizona Jim, le message politique est quasi absent. Faut-il un simple patron, salaud, fourbe, menteur et cynique, bourré de défauts, décrit sans la moindre nuance, pour créer un film à thèses ? Où se trouve donc l’élan de révolte, l’abolition des classes, la révolution, la recherche irrépressible de la liberté ? Ici, ce qui se dégage, c’est surtout une candeur proche de la mièvrerie, avec ces histoires d’amour cousues de fil blanc et sans aucun intérêt, une perspective humaine d’une simplicité affligeante, une collectivité noyée dans l’alcool.

Renoir s’est vu fort heureusement recevoir bien des éloges et attribuer bien des qualités malgré lui et malgré son talent, notamment grâce aux Cahiers et à ses jeunes loups, qui n’ont eu de cesse de l’aduler. Quelques années plus tard, Duvivier, tant décrié par ces mêmes dogmatiques critiques, tournait Sous le ciel de Paris, lui aussi morcelé en petites scènes, lui aussi histoire de révolte contre la patronnât, mais, lui, habité par la grâce.