Il y a bien longtemps que je n’avais pas vu Dial M for murder. Quinze ans peut être. Et en VF. Alors autant dire que le film ne me laissait pas de grands souvenirs. D’ailleurs, il me semble que je n’avais pas vraiment accroché à l’époque. C’qu’on peut être con quand on est ado !
Du coup, hantée par cette petite voix qui me disait ‘mais non, il est pas si bon que ca, t’avais pas aimé étant jeune !’, j’ai trainé à le revoir et ne me suis décidé qu’hier.
Et franchement, cette petite voix dans ma tête s’est mangé un coup de boule magistral du maître. Coupage de langue et étourdissement maximal.
Car je ne sais pas ce que j’avais dans les yeux et dans le ciboulot la première fois que je suis tombée dessus, mais Dial M for Murder est un huis clôt vraiment très sympathique. Un scénario travaillé et diabolique comme on lest aime, des personnages bien construits, une mise en scène du tonnerre. A vrai dire mon seul regret est que l’image ait un peu vieillit. On sent que le film n’est plus tout jeune. Mais à plus de 60ans, il reste quand même assez en forme pour battre largement la concurrence.
Dial M for Murder nous présente donc un meurtre qui a toutes les apparences de la perfection. On dit souvent que le meurtre parfait est un meurtre où il n’y a pas de corps (et donc pas d’enquête pour meurtre), mais un meurtre où l’on a un alibi en béton armé (tout un club), peu de mobiles (la femme revenait dans le droit chemin après que le mari cocu ai corrigé son comportement et soit devenu un mari modèle) et où il ne semble y avoir aucune préméditation (un cambriolage qui tourne mal, ça arrive ma brave dame, dans ce monde de brutes), c’est pas mal aussi !
Malheureusement, comme le fait remarquer le personnage de l’écrivain, la réalité n’est pas la fiction. Aussi, meurtriers en puissance, gardez vous de croire que la perfection puisse exister dans ce monde bien imparfait.
Mais Tony Wendie est un homme fier. Orgueilleux même. Et égoïste. Le luxe, il y a prit goût. Le temps libre aussi. Alors il ne saurait s’en passer à l’avenir. Surtout pas à cause d’une femme volage. Et comme il est plus malin que les autres…
De fait, malin, le personnage l’est. Le machiavélisme de son plan est déjà impressionnant. Car non seulement il a élaboré une technique pour tuer sa femme, mais il a également élaboré une technique pour piéger sa futur main d’oeuvre. Des mois d’observations, de réflexion, de tissage de toile pour obtenir quelque chose d’absolument effrayant. Car lorsque l’on voit avec quel naturel Wendice élimine les traces de son vieux camarade de classe tout en lui expliquant le plus simplement du monde qu’il est en son pouvoir… On a de quoi trembler. Le personnage ne joue pas, il est sérieusement dérangé. Mais mettre en mouvement un plan préparé depuis des mois est une chose. Avoir l’aplomb nécessaire et le génie pour improviser lorsque les choses tournent mal en est une autre. D’autant plus que notre homme ne se contente pas de vouloir sauver sa peau : Il veut en plus que la justice achève le travail que n’a pu abattre son assassin. Autant dire qu’en plus d’être dérangé, l’homme est doué et tenace. Ce qui en fait un personnage passionnant et très bien interprété par Ray Milland qui sait lui donner les airs de mari attentionné, cet homme bien éduqué, cet hôte charmant tout en faisant ressurgir, tel une ombre, son côté démoniaque.
Face à un être comme celui ci, la délicate et fragile Grace Kelly n’a qu’à bien se tenir ! Elle en passerait presque pour une sainte. D’accord, de nos jours, on comprend bien que l’amour ne se contrôle pas toujours et le spectateur se dit qu’elle est en pleine transition, qu’elle réalise son erreur… Mais dans les années 50, une femme cocufiant son mari avait nettement moins de crédit aux yeux des spectateurs. Enfin de là à la tuer puis, faute d’y arriver, à la manipuler pour la conduire au couloir de la mort..
Grace Kelly est, comme à son habitude, charmante et talentueuse dans ce film. Mais là où son talent crève vraiment l’écran, c’est dans les scènes finales. Ces scènes où elle comprend tout. Où elle réalise que son mari à voulut la faire tuer. Que constatant son échec, il s’est acharné. Que ce n’était pas une simple réaction de violence passagère comme on peut en éprouver lorsque l’on se sait trahi, mais une violence et une rage qui dépasse l’entendement et se sont accomplies froidement et méthodiquement. Le vide dans le regard, la vague crainte de ne rien ressentir, de ne rien faire. La victime est sur le carreau, étourdie, se demandant si elle pourra se relever un jour. Et ça, pour le coup, j’ai adoré. Car elle aurait put exploser, crier, vouloir casser la porcelaine du salon. Mais non. Cette absence de réaction est encore plus efficace. Car l’affaire alors n’est pas résolue et l’épée de Damocles au dessus de sa tête reste bel et bien présente. Et il faut que le spectateur sente qu’elle y est encore. Qu’il sente que, si tout le monde à comprit, la situation n’est pas réglée pour autant. Brillant.
Dial M for murder est donc un huis clôt policier haletant et pleins de rebondissement qui sait tenir son spectateur en haleine. Avec une mise en scène du tonnerre et un duo d’acteurs brillants, des acteurs secondaires au niveau et une intrigue machiavélique, il n’est pas étonnant que le film ait connu un tel succès et soit encore considéré aujourd’hui comme un chef d’oeuvre du genre. De quoi vous faire regretter le célibat si vous êtes en couple, et de quoi vous le faire aimer si vous êtes seul…