En trois lignes :
Après avoir commis un homicide involontaire, un séducteur invétéré travaillant dans le prêt-à-porter féminin devient la victime du chantage d’une collègue au physique repoussant.
En un peu plus :
L’humour est une chose curieuse : il s’accommode mal des explications, des règles, voire de la mise en thèse. Une blague que l’on dissèque, c’est comme un papillon qu’on épingle : ce n’est drôle que si l’on sait s’y prendre mal. Et longtemps.
L’humour noir est une chose plus curieuse encore, puisqu’il prend pour cible des sujets qui ne prêtent pas à rire, comme la mort, la solitude, la laideur, la narcolepsie, la préadolescence ou la télé-réalité. Et pour les curieux : oui, Crimen Ferpecto coche toutes ces cases.
Entendons-nous : l’humour noir ne saurait se réduire à rire du malheur d’autrui. Pour cela, il y a la franchise Home Alone, dont la ribambelle cartoonesque de sévices est réservée strictement aux antagonistes. L’humour noir ne craint pas le dégât collatéral et n’hésite jamais à s’en prendre aux protagonistes de ses histoires.
Ce genre peut être féroce, impitoyable même, comme lorsqu’il dépeint la faune affreuse, bête et méchante, d’un bidonville romain dans Brutti, sporchi et cattivi (1976) ou qu’il s’attache aux pas d’un meurtrier minable, raciste et belge dans C’est arrivé près de chez vous (1992). C’est le cas, mais la fantaisie en plus, chez Álex de la Iglesia, notamment en début de carrière. Quelques films aux sujets aussi improbables que des handicapés de science-fiction se lançant dans le terrorisme dans Acción Mutante (1993) ou un prêtre s’efforçant de prévenir la venue de l’Antéchrist à grand renfort de péchés à l’occasion d’El Día de la Bestia (1995) avaient été distingués par quelques Goyas.
Avec de tels devanciers, Crimen Ferpecto fait figure de divertissement de bon aloi, sage et consensuel, voire grand public. À distance respectueuse du gore et du soufre de ses films précédents, De la Iglesia nous offre un genre de screwball comedy du Côté Obscur, dans laquelle les circonstances font d’un laideron méprisé une némésis possessive, sur fond de grand magasin trop haut, de rêves trop étroits, de mesquinerie généralisée et d’envies de meurtre de plus en plus incontrôlables.
Les protagonistes de Crimen Ferpecto sont des gens ordinaires. Ils pourraient être nous. Leurs enfers personnels, leurs humiliations, leurs bassesses sont un peu les nôtres, toute proportion gardée. Nous faire rire d’eux demande donc au réalisateur de nous les faire désaimer suffisamment pour engourdir notre empathie, sans pour autant l’étouffer tout à fait. Ainsi décentrés, on en vient à jubiler de la détresse de Rafael, de la misère familiale de Lourdes tout en les plaignant. Un peu, mais pas trop.
Il y a là, peut-être, quelque chose du tour de force.
Je vous avais dit que ce n’était pas drôle.
Le film lui, l’est.
Allez, hop ! En salle !
Et en quelques images...
Lien vers la bande-annonce alternative.