Voilà près de vingt ans que Quentin Dupieux (Mr Oizo pour les intimes) redonne vie au cinéma absurde en France avec une poignée de films dont les synopsis n’auront pas manqué d’écarquiller les yeux des spectateurs peu avertis. Après avoir filmé, entre autres, les aventures d’un pneu serial killer ou encore d’un cinéaste en quête du cri parfait pour son prochain film, le réalisateur s’attaque cette fois-ci à Georges, un quadra qui a tout plaqué pour s’acheter une veste 100% daim. C’est au tour de Jean Dujardaim...din d’occuper cette fois-ci le rôle principal dans un nouveau registre comique pour l'acteur, bien éloigné des teintes parodiques d’OSS 117, des sketchs balisés de Chouchou et Loulou ou encore des comédies mongoloïdes à base de surfeur niçois. Un nouveau rôle dans un nouveau registre mais hélas pas forcément dans le meilleur représentant du genre, Le Daim étant typiquement le type de long-métrage dont le résumé s'avère finalement plus drôle que le film en lui-même.
Durée du film : 1h17
Durée ressentie : 2h17
Pour être parfaitement honnête je ne suis pas familier du cinéma de Dupieux, n’ayant vu de lui que Réalité que j’ai beaucoup aimé à sa sortie pour sa multitude d’idées loufoques et cette drôle d’ambiance naviguant entre comédie absurde pure et malaise diffus. Le Daim marque comme une sortie de rupture avec cette atmosphère, entrant davantage dans une ambiance plus terre-à-terre qui n’en délaisse pas moins certains codes propres au réalisateur, à commencer notamment par cette esthétique reconnaissable entre mille. Mais contrairement à Réalité qui nous perdait habilement et de façon progressive dans un univers régi par le non-sens, le nouveau film de Dupieux reste quant à lui très clair et lisible. Et c’est peut-être là où le bât blesse le plus fortement tant on devine à chaque instant les intentions du cinéaste sans être réellement surpris par ce que l'on s'apprête à découvrir.
Le film va exclusivement se focaliser sur ces enjeux de crise de la quarantaine à base de quête initiatique absurde, ce qui donne un film radical qui ne s'écarte jamais de son idée de départ et garde une certaine cohérence narrative. Si ce concept et la façon de faire ont de quoi plaire à certains amateurs d’humour loufoque (dont je suis plutôt client), difficile d’y déceler pour ma part quelque chose à gratter en plus. Ce qui me plaît tant dans les longs-métrages des Monty Python ou dans Réalité, c’est la capacité de ces films à nous surprendre, à glisser un élément sorti de nulle part qui contribue à créer un comique de situation qu’on ne voit absolument pas venir. Et c’est finalement ce qui manque cruellement dans ce film 100% daim qui va difficilement surprendre une fois passées les 15 premières minutes tant la mécanique semble réglée méthodiquement, sans aucun détour possible.
Le film donne plus d'une fois cette impression gênante d’avoir un cinéaste qui te prend par la main pour te montrer de façon démonstrative toutes les idées de génie de son film. Il y a certes des instants très drôles où il est difficile de dissimuler ses rires notamment à partir du basculement de Georges dans la zone de non-retour mais cet humour se renouvelle bien trop peu. Nous assistons alors à une narration assez molle parfois émaillée de bonnes idées mais qui demeure assez vaine malgré les séquences osées, notamment au niveau de la violence. Le manque de surprise général crée dès lors ce rythme bâtard peu palpitant qui peine à maintenir un intérêt constant tout le long du visionnage.
On ne pourra pas reprocher à Dupieux sa mise en scène qui va dégoter de belles idées et qui sait filmer l’absurde aussi bien que le crade. On ne lui reprochera donc pas cette patte visuelle marquée par ces longs plans qui permettent de laisser l'absurde s'installer et infuser ainsi que cet étalonnage particulier qui contribue à l'ambiance du film. La photo est assez moche sur le papier, très délavée, mais elle colle si bien avec cet aspect sale et sauvage que Dupieux développe d'où une certaine cohérence formelle qui est un des points forts du film. On ne reprochera pas non plus à Dujardin d’être l’acteur idéal pour le rôle tout comme on ne reprochera pas à Adèle Haenel de montrer une fois encore que son style spontané et naturel peut s’adapter parfaitement à bien des registres cinématographiques. Elle est définitivement une des meilleures actrices françaises actuelles.
On reprochera cependant au film cette paresse, ce côté assez vain à l'arrivée et cette impression de tourner en rond qui était certainement une volonté de Dupieux mais qui peine à présenter un réel intérêt sur un long-métrage. La fin brutale aura au moins le mérite de bousculer un peu ce voyage en absurdie tout en laissant (enfin) un champ libre à davantage d'imagination pour faire respirer ce récit trop cloisonné. Le système Dupieux peut vite rencontrer ses limites si le cinéaste persiste sur cette voie qui pourrait dangereusement enrouiller ses rouages. Un moment de cinéma qui peut se montrer plaisant autant qu'il peut nous amener à nous poser cette question: Tout ça pour ça?
Critique disponible sur La Dernière Séance