Un regard sur la folie : Quentin Dupieux trouve l'inspiration, mais manque sa réalisation
Le Daim est d’abord l’histoire d’un homme, dont l’obsession pour un blouson en daim tourne à la fois au délire meurtrier, à la mythomanie manipulatrice et au drame...
Quentin Dupieux signe ici son nouveau film, largement inspiré des frères Coen! Une descente dans les abysses de la folie, d’un délire obsessionnel et absurde, que Quentin Dupieux situe dans un petit village des Pyrénées. Décidément, tout est réuni pour écrire un scénario digne des Coen : la solitude, des protagonistes modestes, une neige symbolique qui ne retient que le sang qui la marque et une relation manipulée et toxique... mais Quentin Dupieux puise ses références plus loin : cet hôtel minable, point de pivot du film, rappellera au choix Hitchcock et son Psychose ou l’hôtel Overlook de Kubrick dans son cultissime Shining... La violence, elle, fera écho tantôt à Kubrick, tantôt à Tarantino (dont le Pulp Fiction sert de catalyseur entre Dujardin et Haenel).
Oui, mais voilà, Quentin Dupieux n’a de Tarantino que le prénom, des frères Coen qu'une inspiration et d'un Stanley Kubrick ni l'un ni l'autre... Son film laisse, malgré ses inspirations multiples, un goût d’inachevé, d’un certain manque de moyens aussi et surtout d’une palette d’outils bien maigre : Kubrick introduisait un dynamisme dans ses films grâce aux travellings absorbants le spectateur, aux plans-séquences géométriques et oppressants, entrecoupés de plans courts haletants ; à contrario, Dupieux ne parvient jamais à sortir de l’immobilité... les plans fixes s’enchaînent, instables, car probablement faits à l’épaule. Champs et contrechamps sont pléthores. Les mouvements de caméra sont, eux, trop rares. Une peur du vide, elle aussi obsessionnelle, semble habiter le réalisateur, qui tient à structurer toutes ses séquences à l’aide d’un premier plan -- trop souvent fade, flou et sans intérêt -- et d’un second plan, abritant le sujet. Les rares plans possédant un premier plan intéressant laissent une impression d’un hors-champ habité, subjectif : quelle est cette présence voyeuse qui offre sa vision au spectateur ? Le film ne la développe pas, cette présence n’est rien... Quant à cet hôtel, les plans ne parviendront pas à lui insuffler cette impression d'organisme vivant qui faisait de l'hôtel Overlook un protagoniste du film à part entière!
Toutefois, il faut laisser à Quentin Dupieux le scénario. Simple, il a le mérite de fonctionner. L’univers, hors temps, habité par des protagonistes tous solitaires, marginaux et mystérieux, parvient à trouver une existence : les quelques incohérences (pourquoi n’y a-t-il aucune enquête ni même personne pour se soucier de ces meurtres en série ?) se laissent facilement éclipser par un Jean Dujardin solide et présent. Malgré tout, le désir irrépressible de comprendre ce personnage et son délire se fait sentir chez le spectateur. Et cette jeune femme qui accompagne George, qui visionne même les images d’un meurtre sans sourciller, est-elle vraiment si naïve ? Cette veste en daim confère à l’acteur une certaine présence, un look has-been de western ou de trappeur qu'il porte bien! Jean Dujardin devient d'ailleurs ce chasseur, en quelque sorte... Comment ce délire obsessionnel peut-il finir ?
Ce blouson en daim se révélera au final obsédant et déstabilisant pour beaucoup... des deux côtés de l’écran !
D.M.