John Huston a toujours considéré ce film comme un divertissement, une distraction, un film de vacances qu'il s'excusait presque d'avoir réalisé ; pour lui, c'était l'occasion de filmer une chasse au renard dans la campagne irlandaise, sport dont il était un fervent adepte. D'où le fait que ce film n'a pas toujours été pris au sérieux, c'est regrettable, parce que je le trouve au contraire amusant et subtil, beaucoup ne le considèrent pas comme un grand Huston, mais parfois des films soi-disant moyens peuvent s'avérer très plaisants, c'est le cas, j'aime bien ce film, il a je crois été finalement plus ou moins réhabilité.
Bâti sur un scénario-prétexte à suspense policier, le Dernier de la liste bénéficie d'un excellent gimmick commercial avec la présence de 4 stars invitées par Kirk Douglas (qui produit à moitié ce film), dans des rôles courts, extraordinairement maquillés par Bud Westmore, as célèbre de sa profession à Hollywood, à tel point qu'ils sont méconnaissables. Ce n'est qu'après l'apparition du mot "fin" qu'ils retirent un à un leurs maquillages devant la caméra. Il s'agit de Tony Curtis (avec qui Douglas avait tourné dans les Vikings et Spartacus), de son vieux pote Burt Lancaster, de Robert Mitchum (avec qui il tournera aussi), et de Frank Sinatra. L'idée fut légitimée par le fait que l'anti-héros de cette histoire incarné par Douglas, utilise toutes sortes de déguisements pour commettre des méfaits. Bud Westmore joue donc un rôle déterminant dans ce film par ses maquillages non seulement pour les 4 guest-stars invitées par Kirk, mais aussi pour les "tronches" de ce dernier qui personnifie des personnages étranges, aux traits figés, presque inhumains, donnant ainsi une petite dimension de fantastique indicible, effet renforcé par la musique morbide de Jerry Goldsmith.
Nul doute que Kirk a dû prendre beaucoup de plaisir à incarner ces différents personnages, et ici, contrairement aux trames policières classiques, l'important n'est pas de connaître le véritable assassin, puisqu'il révèle son identité dès le début en se démaquillant devant sa glace, face caméra. La véritable question est de savoir qui joue quoi ? C'est une sorte de jeu fait de faux-semblants qui place le spectateur en témoin privilégié, Huston se joue des règles habituelles car ça débouche sur un leurre qui survient durant la scène de chasse en Irlande, après nous avoir entraîné sur quantité de fausses pistes qui aboutissent à une sorte d'interrogation canulardesque.
Le reste du casting est quand même très correct puisqu'on y trouve outre les stars citées et l'ami Kirk, George C. Scott, Dana Wynter, Herbert Marshall, Marcel Dalio, et Huston qui a donné un rôle à son fils Walter Anthony, s'est ménagé une apparition et un court dialogue dans le rôle d'un cavalier. C'est donc pas si mal pour un film qui avait à sa sortie décontenancé le public, en tout cas moi, je le considère comme un petit plaisir cinéphilique.