Le dernier des Mohicans occupe une place à part dans la filmographie de Michael Mann, alors que c’est paradoxalement un de ses films les plus célèbres : il s’agit ici de s’essayer à la commande d’un film académique, historique, mêlant tous les ingrédients de l’épique, de l’aventure et de la romance. Et, bien entendu, d’y parvenir.
Le dernier des Mohicans a bien vieilli, et jouit de cette patine hors temps qui sied aux classiques, et c’est notamment à cela qu’on peut déceler qu’un véritable cinéaste en est aux commandes. Les éclairages sont superbes, reprenant l’obsession du cinéaste pour la nuit, mais déplaçant cette fois son esthétique dans un décor inédit, à savoir la nature. Les paysages, grandioses, sont parfaitement gérés et en adéquation avec la dramaturgie : forêt dans laquelle se tapit l’ennemi, clairières pour les batailles collectives, cascades ou précipice pour l’apogée du récit, toute l’imagerie du roman de Cooper est convoquée avec pertinence.
Certes, le film est moins personnel que les autres, et le grand spectacle implique des figures un peu plus archétypales : certaines poses de Day-Lewis et Stowe, cheveux longs face au crépuscule, semblent plus appartenir au domaine publicitaire.
Mais, comme souvent chez Mann, c’est sur la longueur que se cristallisent les enjeux émotionnels. D’abord, par cette gestion habile des différentes instances, impliquant, dans ce contexte géopolitique trouble, aussi bien les pays rivaux face au Nouveau Monde, que les individus voulant y vivre, des pionniers aux indigènes, que les amants, distribués par un triangle amoureux et un duo plus discret, celui de la sœur et du Mohican, mais qui l’emportera finalement en présence dans le final sacrificiel.
On retrouve cette acuité visuelle propre au cinéaste, déplacée ici sur celle de son protagoniste, qui court en forêt et vise comme personne, à l’image de la méticulosité du Solitaire ou du profiling du héros de Sixième Sens. Les scènes d’action, plus classiques dans les batailles rangées, prennent une belle ampleur lors des attaques par les Hurons, à la fois violentes et dynamiques.
Mais c’est vraiment dans le final, point de convergence des drames individuels, que se joue la dimension la plus poignante de l’œuvre. Portée par un thème musical d’un lyrisme frôlant la perfection, et longuement annoncé par les violons qui évoquent le folklore irlandais, l’affrontement au sommet de la falaise a tout de l’acmé parfaite. On retrouvera dans Heat cette montée en puissance par une musique lancinante, étirée pour mieux souligner la dramaturgie de la scène lors du fameux braquage.
Emouvant, épique, classique Le dernier des Mohicans est une belle incursion dans ce registre avant que Mann ne développe une individualité qui sera de plus en plus radicale.
(7.5/10)
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