Autant mettre tout de suite fin au douloureux suspense qui vous vrille les nerfs alors que vous démarrez la lecture de cette critique : "Le dernier maître de l'air" est un mauvais film.
Mais pas n'importe quel mauvais film. Certains sont ratés mais plein de bonne volonté, décevants mais ambitieux, cheap mais cool, celui-là plonge dans le spectateur dans l'affliction sans même lui filer un bouée de sauvetage : on coule doucement dans l'ennui comme un crouton dans une mauvaise soupe (bon appétit).
Commençons par le matériau de base : Avatar (oui, Night Shamalamalan s'est fait piqué son titre originel par James Cameron, il a vraiment la lose) est initialement un dessin animé décrivant la quête, dans un monde divisé en quatre Nations "élémentaires" (l'eau, le feu, la terre, l'air), d'un espèce de messie rescapé du peuple de l'Air qui fait du vent avec son baton (non, pas un flutiste) et qui accompagné de deux adolescents de la tribu de l'eau, s'efforce de barrer la route à la vilaine Nation du Feu qui veut tout conquérir avec ses sales machines (une trame riche et profonde, tu me dis si tu as du mal à suivre).
Bien qu'américain, ce dessin animé brasse donc plusieurs lieux communs de l'animation japonaise : l'opposition - chère à Miyazaki - de la (bienveillante) nature et de la (maléfique) technologie, la quête spirituelle du héros qui doit apprendre à vivre avec son deuil, auxquels s'ajoutent les inévitables "méchants qui au fond sont gentils", "gentils qui sont d'abord rivaux", "personnages qui se détestent mais en fait ils sont amoureux" et autres caricatures compréhensibles quand ton public à 8 ans de moyenne d'âge.
On peut légitimement s'interroger sur la nécessité d'adapter sous forme de film un dessin animé sans réelle originalité, mais les voies d'Hollywood étant ce qu'elles sont, Night Shamalamalan s'est donc retrouvé avec cette bourbe écolo-niaise à mettre en image.
Et c'est là que le drame se noue : en restant fidèle à la niaiserie originelle, tout en agrémentant son film des apparats classiques du blockbuster (gros zéfé spéciaux, musique qui fait pompompom, filtre bleu pour les gentils et rouge pour les méchants), le réalisateur accouche d'une tornade de guimauve mal foutue qui ferait passer Transformers pour une oeuvre d'art et d'essais.
On passera avec indulgence sur le jeu des acteurs, qui s'ennuient manifestement autant que nous, et qui entre deux chorégraphies de tai-chi (passque la magie des éléments elle vient en dansant) n'ont guère d'autre talent à faire valoir que leur placide imitation du lamantin. S'il fallait en sauver un, ce serait peut-être Dev Patel, un peu mieux servi par le scénario avec son personnage de prince du Feu déchu et maltraité par son papa. Les autres subissent sans conviction un script affligeant (mon Dieu, cette histoire d'amour en carton...), et sont mûrs pour le prochain Twilight.
Les effets spéciaux auraient pu sauver le film, ou du moins lui insuffler le souffle (oui oui) épique nécessaire à l'immersion du spectateur dans ce remix de Capitaine Planète chez les shaolins. Mais le "plein la gueule" n'est pas la tasse de thé du réalisateur (ami producteur, si tu nous l'avais demandé, on te l'aurait dit) et cela se sent : ses scènes de combat, chorégraphiées par un Kamel Ouali sous prozac, n'ont aucune intensité, aucune cohérence, et ne tiennent pas une seconde la comparaison avec leurs (évidents) inspirateurs (cf le Gouffre de Helm des Deux Tours pour l'assaut final sur la Cité de l'Eau).
Et les éléments, la (maigre) sève du DA original, sont encore plus mal exploités que le reste, alors que leur potentiel cinématographique était énorme. Je manque de mots pour décrire la médiocrité de ces magies de l'air et de la terre qui ressemblent respectivement à une souffleuse à feuilles mortes et à un lancer de mottes. Les boules de feu étaient plus crédibles dans Xena la Guerrière. Et si l'eau, élément central de ce premier chapitre (OUI, IL Y EN A D'AUTRES), s'en tire un peu moins mal que ses copains élémentaires, elle culmine dans une grosse vague à faire rigoler Roland Emmerich et son Jour d'Après.
Pour clore ce tableau désastreux, le réalisateur parvient même à sous-exploiter les facilités offertes aux adaptations d'un dessin animé, souvent riches en bestioles mignonnes et espiègles qui feront gagater le spectateur en espérant qu'il oublie de s'ennuyer. Le "lémurien volant", mignon comme tout, ne sert à rien. Le machin poilu volant façon l'Histoire sans Fin n'apparait quasiment jamais après la première demie-heure. Et l'Esprit de la Lune et de l'Océan ressemble à une cinématique de dragon dans un vieux Final Fantasy.
Le ratage est complet, il n'y a rien à sauver, et ce n'est pas l'ultra-prévisible cliffhanger de fin qui nous donnera envie de poursuivre avec le réalisateur l'exploration du néant cinématographique.
Bon allez Hollywood, maintenant tu arrêtes de déconner avec tes Mel Gibson et tes blockbusters, tu redonnes à Night Shamalamalan des bonnes idées et un budget de smicard, il est temps qu'il se remette au cinéma.