Trois ans avant son film culte à l'aura sulfureuse Cannibal Holocaust, le réalisateur italien Ruggero Deodato explorait déjà le monde des mangeurs d'hommes avec Ultimo Mondo Cannibal. Une sorte de premier essais et de mise en bouche légère avant le grand festin anthropophage et sa multitude de films dérivés.
Le Dernier Monde Cannibale est basé sur un récit authentique de Robert Harper relatant sa découverte d'une tribu vivant encore à l'âge de pierre en plein cœur de la jungle de Midanao. On suit donc le périple de 4 personnages dont Robert Harper interprété ici par Massimo Foschi après un atterrissage un peu brutal de leur avion sur l'île de Mindanao. Venus à la rencontre de quelques explorateurs vivant dans un campement sur cette même île, nos aventuriers ne trouveront que des tentes vides. La nuit tombée ils seront alors agressés par une mystérieuse tribu et très vite ils seront séparés et perdus dans la jungle. Robert Harper est alors capturés par une tribu primitive pour être soumis à leur rites et leur mode de vie ancestral.
Le Dernier Monde Cannibale est un film classique dans le sens ou Ruggero Deodato n'utilise pas ici le procédé du documenteur et du found footage. Le film est d'ailleurs proche des standards d'un film d'aventures dont la jungle serait le personnage principale avec toutefois quelques gros morceaux bien trash à l'intérieur. Bien moins extrême et radicale que Cannibal Holocaust, ce premier essais d'échauffement permet à Deodato de poser les bases du genre à travers un récit dans lequel les éléments gores sont finalement assez peu nombreux. L'axe narratif du Dernier Monde Cannibale est clairement de plonger un homme civilisé dans des conditions extrêmes comme pour révéler que la prétendue barbarie des primitifs n'est que l'assurance de leur survie. Après avoir été retenu captif, mis à nu, perdu et affamé le personnage de Robert Harper retrouvera des comportement lui aussi dictés par son instinct d'animal et son désir de survie. Ruggero Deaodato peut alors filmer les rituels et les coutumes de cette tribu avec visiblement un grand soucis de réalisme (la part anthropologique étant il est vrai toujours assez flou) en posant un regard dénué de tout jugement.
Le Dernier Monde Cannibale, contrairement à de nombreux films qui viendront plus tard, n'existe pas seulement sur ses moments les plus extrêmes. Ruggero Deodato livre même quelques très jolis moments de tension comme l'arrivée de Robert Harper dans la tribu avec une multitudes de primitifs postés, inquiétants et immobiles sur le flanc de rochers (on penserait presque à Vinyan) ou encore une belle contre plongée du fond d'un gouffre avec deux silhouettes qui se découpent comme des ombres étranges sur un ciel bleu. De vrais efforts de mise en scène pour un récit multiple dans lequel Ruggero Deodato greffe des éléments d'aventures, de romance et même de comédie. Massimo Foschi livre une belle prestation de comédien totalement mis à nu sous l'objectif de Deodato, l'acteur parvient à montrer par son regard toute l'intensité, la rage et le désespoir de cet homme contraint de retrouver son animalité pour survivre.
Mais Le Dernier Monde Cannibale comporte également son lot de séquences chocs et polémiques comme tout "bon" film de cannibales qui se respecte. Outres les traditionnelles séquences d'anthropophagie gore à base de viande cru et d'abats on retrouve les passages obligés du genre avec nudité frontale et tripatouillage de l'élastique, viol et cruauté avec une séquence assez hallucinante d'un accouchement au bord d'une rivière qui se termine par le sacrifice du fœtus encore chaud jeter directement aux crocodiles. Le plus dérangeant restant encore et toujours les scènes montrant les mise à mort bien réelles d'animaux avec ici un crocodile dépecé quasiment vivant. Difficile de vraiment cautionner et justifier ce type de séquences chocs au voyeurisme malsain, il convient juste de se souvenir que Deodato a souvent expliqué qu'il n'avait pas provoquer de mise à mort pour le plaisir de l'image mais qu'il avait nourrit ses films de rituels qui se déroulaient sous ses yeux. Quoi qu'il en soit il est bien difficile, voir impossible d'approuver cette pratique d'un autre temps qui deviendra au fil du temps et des films de plus en plus gratuite.
Le Dernier Monde Cannibale est donc un solide film d'aventures dans lequel le cannibalisme n'est pas encore tout à fait un prétexte à un étalage discontinu de barbarie comme dans les futurs films chocs de Umberto Lenzi par exemple. Précurseur de tout un pan du cinéma d'exploitation italien des années quatre-vingt, Ultimu Mondo Cannibal convient vraiment d'être redécouvert tant il fait figure de socle à toute une flopée de futurs films chocs.