C'est un thriller d'espionnage tourné 5 ans après l'écrasement de la révolution démocratique hongroise de 1956.
Il y a un contraste entre la dramatisation réussie du parcours du personnage joué par Richard Widmark et la naïveté des péripéties finales narrant l'extraction vers l'occident d'un résistant et de sa fille emprisonnées.
Entre son engagement du début, comme mercenaire stipendié et sûr de lui pour chercher et exfiltrer le leader révolutionnaire de derrière le rideau de fer, et le happy end dans l'avion du retour, le personnage joué par Widmark est de plus en plus perdu, inquiet, dépassé par les évènements, par les codes de conduite locaux et les faux-semblants qu'il ne comprend pas.
Il joue merveilleusement les émotions et les modifications intérieures d'un homme qui se moralise peu à peu, entre des raptus de forfanterie pour conjurer sa peur dans un univers bizarre, et des fuites plus ou moins réussies dans une ville désertée pendant la nuit, peut-être sous couvre-feu ; entre mimiques affolées et passages à tabac par des nervis subis sans riposte de sa part ; avec un moment superbe ou il mime l'américain grossier et éméché afin de leurrer les sbires qui le surveillent.
Le rythme est un peu lent mais les décors ainsi que le noir et blanc sont splendides, et on a parfois l'impression que Widmark est revenu faire un tour dans son très célèbre Night and the City (Les Forbans de la Nuit) aux décors splendides, qu'il tourna avec Jules Dassin en 1950.
Nul doute que son épouse dans la vie Jean Hazlewood, la scénariste du film (tiré d'un livre de Alistair MacLean) a travaillé ce rôle pour lui, et qu'à son tour il l'a investi pour lui rendre hommage.
L'actrice allemande Sonja Ziemann a beaucoup de charme tandis que Senta Berger fait une belle composition en prostituée politiquement ambiguë mais pulpeusement protectrice.
Ce petit thriller méconnu - ou évincé peut être par le politiquement correct cinephilique de l'époque car le sujet était encore brulant pendant la guerre froide - est devenu attractif aujourd’hui à cause du nom de son réalisateur.
Il vaut le détour en effet, comme tout film de Phil Karlson, qui fut un des meilleurs réalisateurs de la serie B des années 40, et qui resta dans les années 50 à 70 un des plus originaux et des plus fiables dans le thriller et le western, pour moi à l'égal de Don Siegel.