Un marathon pas si tranquille
Fort de l'engouement mérité rencontré par Shaun of the Dead et Hot Fuzz, le réalisateur anglais Edgar Wright venait conclure en 2013 sa trilogie, baptisée Blood and Ice Cream, avec Le Dernier Pub Avant la Fin du Monde, dans lequel figure à nouveau son duo d'acteurs fétiche, Simon Pegg et Nick Frost déjà présents dans les deux autres oeuvres. Reste à savoir si la magie fonctionne toujours, ou si, à force de tirer sur la corde, l'humour particulier et la fraîcheur des premières heures commencent à s'étioler .
Le Dernier Pub Avant la Fin du Monde (The World's End en VO), c'est avant tout un film de potes. On découvre au tout début du film une bande de cinq lycéens qui, pour fêter la fin de leur cycle scolaire et leur entrée proche dans une nouvelle étape de leur vie, décident de se taper un barathon, à savoir, une virée destinée à les emmener au fil de la nuit dans chacun des douze pubs que comporte leur petite ville de Newton Haven. Un projet honorable s'il en est. Toujours est-il que cette quête de beuverie s'achève avant sa conclusion, à savoir l'ultime bar, le World's End, nos gaillards ayant un peu trop présumé de leur résistance à l'alcool. Cet échec aura pesé lourdement sur la conscience du leader du groupe, Gary King (Simon Pegg), au point que, vingt ans après, celui-ci décide de réunir à nouveau le petit groupe afin d'achever ce qu'ils avaient commencé étant plus jeunes. Cependant, même si King mène toujours une vie un peu à la dérive, les autres ont quant à eux une petite existence bien rangée, avec boulots, femmes et enfants, et c'est en partie ce décalage entre Gary King et ses anciens amis qui alimentera une bonne partie des dialogues du film, entre nostalgie de l'adolescence et envie de laisser le passé derrière soi. Quelque part, on pensera à Ça de Stephen King, où un groupe d'amis soudés dans leur enfance va se recomposer à l'âge adulte pour faire face à une menace horrifique. Car, oui, l'épopée éthylique n'est pas le seul propos du film. Nos larons vont rapidement se rendre compte que la plupart des habitants de Newton Haven ne les reconnaissent pas, et pour cause : ils ont quasiment tous été remplacés pas des sortes de robots extraterrestres imitant leur image à la perfection. On pensera alors à Une Nuit en Enfer, pour ce twist inattendu dans le scénario de base, ainsi qu'à Body Snatchers dans les scènes parmi les aliens. Plutôt de bonnes références, donc, même si l'on verra qu'au final, le film ne possède pas forcément la qualité globale d'un Shaun of the Dead.
Alors bien sûr, vous me direz, certes, le petit groupe d'amis fonctionne bien, et certains passages de dialogue font mouche comme on peut l'attendre d'un film d'humour britannique. Ceci dit, de l'humour, justement, on en a beaucoup moins que dans les deux autres films de la trilogie, et les scènes supposées être amusantes sont bien moins percutantes que par le passé. En fait, dans Le Dernier Pub Avant la Fin du Monde, même si on a affaire à une bande de potes, la majeure partie de l'essence du film repose surtout sur l'exubérance de Gary King, et cela ne suffit pas à porter l'oeuvre tout au long des 1h50 qui la composent. Du coup, certains échanges tombent à plat, et on a droit à un peu trop de bla-bla, surtout dans la première partie du film. Des longueurs sont à déplorer, et on se dit qu'1h30 aurait probablement suffi. Néanmoins, on ne s'ennuie quand même pas devant ce film, et il est conseillé de le voir plusieurs fois, puisqu'il s'agit de ce que l'on appelle en termes musicaux un grower, soit une oeuvre qui se savoure un peu plus à chaque visionnage. Les chorégaphies des combats sont particulièrement réussies, la bande-son destinée à accompagner nos gaillards dans leur quête alcoolisée est de grande qualité, et on finit par passer un bon moment. Et ce en dépit de certaines incohérences, comme ces aliens qui fourmillent dans le bar mais laissent le groupe boire tranquillement alors qu'ils sont en pleine invasion, ou encore, justement, le fait que notre groupe de potes continue sans sourciller à picoler alors que leur vie ne tient qu'à un fil. Du grand n'importe quoi, en somme, assez avare en rebondissements et en surprises. On saluera tout de même la conclusion du film, plutôt bien vue, et qui laisse le spectateur sur une jolie impression de fraîcheur, capable de faire oublier les quelques longueurs et l'humour moins efficace que dans Shaun ou Hot Fuzz.
Conclusion : Bien, mais pas top, c'est ainsi, pour citer les Nuls, que l'on pourrait définir cette troisième et dernière partie d'une trilogie qui demeure, néanmoins, particulièrement sympathique. Le Dernier Pub Avant la Fin du Monde peine un peu plus à convaincre que ses prédécesseurs, à cause, notamment, de certaines longueurs qui auraient pu être évitées, ainsi que de quelques incohérences qui laissent parfois une sensation d'inachevé. Ceci dit, on retrouve avec plaisir nos deux compères habituels, accompagnés cette fois d'une autre poignée d'acteurs qui fonctionnent bien ensemble. Alors certes, l'hilarité n'est pas au rendez-vous, mais le film se laisse toutefois regarder sans grand déplaisir, surtout si on le visionne plus d'une fois. Un petit film à se regarder entre potes avec une pizza à la main et une bière dans l'autre.