Le Dernier voyage de Tanya par Maqroll
Un film original, puissant et remarquablement exécuté par un cinéaste indépendant du pouvoir russe, qui se paye le luxe de conter une fiction reposant sur un postulat imaginaire, la survivance de nos jours d'un peuple éteint, les Mérias, habitants (réels ou mythiques, les spécialistes eux-mêmes ne peuvent pas trancher) du nord et du centre de la Russie avant l'arrivée des Slaves. Au sein de ce peuple païen originaire du Caucase (quel pied de nez à l'encontre des racistes de Karélie ou d'ailleurs), les traditions tournent autour des deux obsessions majeures de l'humanité, le sexe et la mort, avec une identité de rites confondante. L'histoire est linéaire, parsemée de quelques retours en arrière à valeur d'éclairage, rapportant le voyage de deux hommes emportant le corps d'une morte (la femme de l'un d'entre eux) vers sa dernière demeure... Dieu n'existe pas, seuls l'amour et l'eau sont éternels : voilà résumée la philosophie de ce doux peuple pacifiste qui croit au sexe et à ses vertus plutôt que de se laisser aller à être des fous de Dieu... Si tous les peuples du monde pouvaient s'inspirer de ces Néandertaliens des temps modernes, que de paix sur Terre ! Au niveau technique, les images sont magnifiques, restituant de toutes pièces la réalité d'un monde mort (ou imaginaire) et les acteurs sont étonnants de conviction, de sobriété et de maîtrise. La voix off qui nous conte cette histoire est parfois un peu envahissante mais on comprend sa nécessité à la toute fin, en forme de rebondissement inattendu mais tellement logique... Un grand film à valeur de message à méditer d'urgence.