Et si Russ Meyer n'était pas juste un infâme libidineux bloqué sur la plastique des actrices et à des lieues de toute connaissance et compétence cinématographique ?
S'il est clair que la plupart des films qu'il réalise avant 1964 sont au mieux des comédies érotiques manquant cruellement d'intérêt, un revirement semble opérer avec les réalisations de Lorna puis de Faster Pussycat Kill Kill et Mudhoney (Le Désir dans les tripes en français) en 1965 : délaissant l'aspect outrageusement sexuel, le roi de la Sexploitation crée avec ces trois oeuvres des récits sans concession de la violence américaine et globalement humaine. De ces trois films, Faster Pussycat Kill Kill est le plus célébré mais Mudhoney me semble personnellement plus abouti.
Déposant son intrigue dans les méandres de la campagne étasunienne, Russ Meyer nous offre un fort contraste entre les rednecks attardés qui l'habitent et les blondes à fortes poitrines caractéristiques de son cinéma, nous déposant dans un univers à la fois étrange et amusant dont il faut souligner l'originalité. Grace à une galerie de personnage hauts en couleur, de nombreuses scènes peu banales et une savante alternance de moments drôles et choquants, Mudhoney s'avère un film plutôt agréable à regarder même s'il est gâché par le niveau d'acting global restant lui au niveau de celui de ses productions passées.
L'Amérique lubrique et violente décrite par Meyer dans ce film n'a rien d'excitante et les quelques scènes polissonnes du film ne suffisent pas à en masquer la portée pamphlétaire. Au milieu de personnages tous plus répugnants moralement les uns que les autres, le couple de protagonistes fait l'effet d'un phare moral qui ne brille pour personne, et ce en lieu et place de l'église dans la légende américaine, qui colportant des rumeurs et s'octroyant le droit de décider de la mort renvoie ici une image peu flatteuse.
Cet inversement des rôles culmine lors de la scène finale lorsque le pouvoir galvanisant de la religion mêlé à la puissance aveugle des foules offre un spectacle particulièrement terrifiant.
Loin d'être un énième film cochon fort ennuyeux, Mudhoney nous prouve que Russ Meyer n'est pas uniquement là pour nous montrer des bzezs et qu'il est capable de nous faire passer quelques messages - pas les plus subtils - dans un film cohérent et globalement bien réalisé. Même s'il a les défauts de son époque et de son budget, Mudhoney reste une proposition de cinéma plutôt unique et intéressante qu'il ne faut pas hésiter à découvrir.