C’était sympa.
Le film démarre pourtant un peu curieusement : non seulement je n’y retrouvais pas la patte de Cayatte (il s’agit après vérification de l’un de ses premiers films), mais surtout je ne voyais absolument pas où il voulait en venir avec cette sombre histoire de fuyard qui s’offre les services d’un contrebandier pour passer la frontière avant de se suicider. Sauf qu’après cette première demi-heure (à la louche) pour le moins intrigante (parce que paradoxalement bien peu mystérieuse et prometteuse), le projet prend enfin forme, le film décolle, et l’on comprend alors ce que tissait en réalité ce premier acte :
Loin d’un grand film à thèse comme il sera bientôt habituellement de rigueur chez le bonhomme, ce Dessous des cartes s’avère en réalité un « simple » jeu du chat et de la souris entre les personnages de Reggiani (le contrebandier qui par malchance a côtoyé le fuyard avant sa mort puis l’a dépouillé après), Sologne (la veuve qui cherche à toucher l’assurance de feu son mari, quitte à tricher sur la raison de sa mort) et Meurisse (l’inspecteur de police pas très orthodoxe affecté à l’affaire) qui, tous les trois, poursuivent chacun dans cette affaire leur petit intérêt personnel, et vont successivement s’allier puis se trahir les uns les autres, au fil des découvertes de pièces compromettantes et des retournements de situation.
Et quand bien même ce Dessous des cartes serait, comme pléthore d’autres Cayatte, inspiré d’une affaire authentique – ici l’affaire Stavisky –, un bref rappel de ladite affaire suffit à comprendre que le film s’en émancipe en fait très largement, pour n’en garder en réalité que l’idée d’un escroc retrouvé mort dans des circonstances mystérieuses. Eh oui, alors que ce scandale lui offrait pourtant un écrin idéal pour tirer sur le monde politique, la justice, la presse ou encore la police, Cayatte ne s’engouffre étonnement pas dans cette brèche béante, pour lui préférer un polar plus léger et inoffensif – à l’exception peut-être de son personnage de policier pourri (Paul Meurisse, son élégance, son éloquence), mais qui est au fond une figure si commune du genre (et en l’espèce si sympathique) que je n’y vois vraiment pas un geste fort et politique.
(C’est clairement pas avec ce film-là que Cayatte aura transformé les salles de cinéma en cours d’appel, quoi.)
Un Cayatte surprenant donc, parce qu’étonnement léger (une partie de sa résolution repose d’ailleurs littéralement sur l’énigme du pendu, ce qui fait un peu sourire) et ludique (on se demande jusqu’au bout qui va in fine baiser qui – au sens propre comme au figuré) ; mais aussi parfaitement mineur, dans la mesure où il n’a clairement pas la puissance dramaturgique et émotionnelle des sommets de sa carrière ; mais qui reste tout de même un honnête polar, ma foi tout à fait recommandable.