Regarder Le Diable ajoute une nouvelle pierre biscornue à mon édifice polonais des années 70, avec des images très différentes qui s'entrechoquent pour former un imaginaire littéraire et horrifique assez particulier : aux côtés de Wojciech Has (j'ai beaucoup pensé à La Clepsydre) et Andrzej Wajda (même si Cendres et Diamant remonte à une ou deux décennies plus tôt), Andrzej Żuławski — dont c'est le premier film polonais que je vois — complète un autre pan de l'histoire nationale avec l'invasion prussienne de la Pologne en 1793, connue sous la dénomination de deuxième partage de la Pologne. On nage ainsi dans un contexte historique dont je ne maîtrise absolument pas le cadre et les enjeux, mais heureusement Diabeł ne fait pas de ce capital de connaissance un prérequis au visionnage.
Malgré tout je reste hermétique à ce style de cinéma, qui peut ressembler sous certains aspects à du Herzog sous MDMA de la même période, type Kaspar Hauser ou Herz aus Glas. C'est en partie frustrant car le démarrage se fait dans une ambiance apocalyptique particulièrement prenante, oppressante à souhait mais très singulière et envoûtante, dans un univers où tout semble n'être que destruction et folie, à grand renfort de cris et d'agitation — j'ai reconnu là le Żuławski que je connaissais un peu. Un monde de violence qui nous est dépeint dans toute sa déliquescence au creux d'une mise en scène surréaliste peu avare en symboles. J'aurais probablement adoré un film qui aurait déployé une intrigue un peu mieux tenue et plus consistante dans cet écrin nauséeux, au lieu de ces pérégrinations qui finissent par lasser pour diverses raisons, la répétitivité, la confusion, la faiblesse du renouvellement des intérêts secondaires (comme les deux personnages secondaires, l'étranger et la nonne).
Que d'arguments pourtant... Dès lors qu'on pénètre dans cette prison complètement folle, on parcourt le pays à côté du héros, témoin du chaos omniprésent. La démence du personnage qui finit par s'adonner à de la folie meurtrière particulièrement sauvage aurait mérité une écriture un peu plus pragmatique à mon goût, ce qui aurait donné beaucoup plus de force au sentiment de décomposition générale. En l'état, j'aime bien l'ambiance, visuelle autant que sonore, mais la théâtralité ambiante se transforme peu à peu en une bouillie narrative et thématique qui m'échappe, trop frénétique dans sa folie si on peut dire. Beaucoup de gesticulations jusqu'à la fin qui finit, enfin, par poser le rythme. Belle succession de tableaux macabres en revanche, même si encore une fois les scènes de massacre et d'âmes damnées qui se tortillent finissent par user.
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