Le début nous montre l’arrivée d’un hydravion à Talua – île fictive volcanique non loin de Tahiti - pour une escale. L’hydravion amène le père Perreau qui doit prendre la succession du père Matthew Doonan (Spencer Tracy) qui arrive à l’âge de la retraite. L’hydravion transporte également trois prisonniers attendus au bagne de Tahiti : Harry (Frank Sinatra), Charlie (Bernie Hamilton) et Marcel (Grégoire Aslan).
La première partie du film nous montre la vie sur cette île et en particulier les relations houleuses entretenues par le père Doonan avec les uns et les autres, pas seulement parce qu’il force la main sans hésitation à tous ceux qui peuvent contribuer financièrement à ses bonnes œuvres. En effet, il a construit une léproserie pour des enfants démunis. Bien que le bâtiment soit à l’écart, la maladie fait peur aux locaux. Le père Doonan mène ce petit monde d’une main de fer, à l’image de son caractère obstiné voire bourru, qui n’exclut pas la bienveillance pour celles et ceux dont il se sent responsable. On note en particulier la présence de Camille, une aveugle aussi charmante que vulnérable.
Cette première partie frôle régulièrement la mièvrerie. L’ambiance générale rappelle malheureusement beaucoup que le film date de 1961. Cela saute aux yeux en particulier sur le traitement des trois futurs bagnards qu’on n’arrive jamais à imaginer comme de redoutables individus prêts à tout.
Même quand ils s’évadent, ils n’inspirent aucune crainte particulière. Non, le danger viendra du volcan à l’activité irrégulière, mais qui se réveille peu après l’arrivée de l’hydravion. Commence alors la deuxième partie qui ravive considérablement l’intérêt. En effet, du volcan qui surplombe l’île s’échappent des flammes et de la fumée. Les sismographes signalent une éruption potentiellement dangereuse, à tel point que le gouverneur décide rapidement d’évacuer l’île de tous ses habitants. Encore présent sur place, le père Doonan s’inquiète alors pour ses ouailles, en particulier celles et ceux qui sont restés à la léproserie.
La deuxième partie se révèle spectaculaire à souhait.
Le père Doonan réussit à intégrer une mission de survol du volcan et lui-seul affirme avoir vu la léproserie plus ou moins intacte. Mais comment la rejoindre et comment l’évacuer à temps ? Sa roublardise lui permet de constituer une petite équipe avec… les bagnards, en quête de rédemption.
Nous voilà partis pour de multiples péripéties dans les airs et dans la jungle qui couvre la montagne. Les coulées de lave balisent le terrain, au risque de faire oublier ou négliger d’autres dangers. On se doute bien qu’un éventuel sauvetage aura son prix. On ne se mesure pas au Diable (très ponctuel) sans en payer les conséquences. Ce sera l’occasion pour les bagnards de montrer à nouveau un côté humain. On s’y attendait un peu, mais la mise en scène fait en sorte de ménager de vraies surprises, tout en maintenant le suspense et en apportant quelques moments d’émotion. Surtout, on n’a jamais l’impression d’assister à un spectacle au rabais dans des décors de carton-pâte. L’image en couleur fait son effet et la lave coule de façon parfaitement naturelle dans des décors réalistes. On en vient même, par moments, à se demander si Mervyn Le Roy n’a pas profité d’une véritable éruption pour tourner les scènes d’action. On sent bien comment et pourquoi les protagonistes agissent dans l’urgence. Le casting s’avère correct et, bien que vieillissant, Spencer Tracy est à la hauteur de sa réputation. La deuxième heure passe donc bien mieux que la première et nous réserve un final impressionnant, qui ne vise pas spécialement une morale prêchi-prêcha.