La reconstitution du décor californien des années 30-40 dans le genre de polar néo-noir a quelque chose de presque générique en ses termes, comme si par définition ce genre de projet ne pouvait aboutir qu'à quelque chose de très conforme, menacé d'académisme à tous les étages. Qu'y a-t-il de neuf dans "Devil in a Blue Dress", franchement ? On les voit tellement venir de loin les chausse-trapes, les mensonges, les trahisons, que la naïveté du protagoniste en devient risible par moments. Pourtant c'est Denzel Washington qui s'y colle ici, non sans charisme, à une période où il était en pleine ascension, pour donner corps à ce vétéran de la Seconde Guerre mondiale sans le sou, contraint d'accepter à peu près n'importe quel boulot afin de rembourser son prêt immobilier. C'est en ces termes archi-pragmatiques que sont posées les premières pierres de l'enquête qu'on lui confie — il devient en quelque sorte détective privé du jour au lendemain...
Malgré tout "Le Diable en robe bleue" n'est pas sans charme, et si toute la partie progression de l'investigation / résolution du mystère peine à passionner, la toile de fond est agréable : Los Angeles à la fin des années 40, la ségrégation faussement atténuée, et des histoires de gangsters croisées avec des marques de racisme. Il faut vraiment passer au-delà des nombreux clichés que Carl Franklin égraine scolairement, histoire de bien baliser son polar avec des boîtes de jazz, des combines bien louches, des femmes fatales aux secrets bien gardés, des politiciens véreux, etc. Pas désagréable de voir Jennifer Beals débarquer dans le champ (une dizaine d'années après "Flashdance"), de même que Don Cheadle en sidekick à la gâchette facile. La carte de l'élégance n'est pas toujours jouée avec brio, mais la description de la communauté noire donne un certain cachet à l'ersatz de film noir dépourvu d'aspérités.