Citation de Jean Cocteau
Je déteste la religion, et apparemment Antonio Campos aussi, une sordide alliance vient de se créer dans la haine...du moins le temps de cette critique. C'est vrai qu'il n'est ni rare ni compliqué de s'en moquer, mais outre la tournure sérieuse de son thème là ou la plupart choisissent de le placer dans une comédie, Antonio décide de s'attaquer au cœur du problème, à ceux qui créent dieu, les hommes. Il va même prendre un certain plaisir à montrer qu'il crée leurs propres religion qui les mènera à leur perte.
Bon il est d’abord bon de préciser le contexte géographique, on est face à des gens qui on sans cesse peur du nouveau (il considère comme des étrangers des gens s'installant au village il y a plus de 9ans), ils sont isolés et géographiquement opprimés par les hauteurs, en soi un lieu parfait au développement durable des plus grosses idioties permises par leurs esprits décervelés, et ça ne va pas leur manquer.
Pour détruire le mythe il faut d'abord par commencer à s'attaquer aux symboles, et pour ça quoi de mieux que de remettre la sainte crucifixion du Christ à la réalité, non ce n'est pas une mort belle et rapide, mais une scène de torture odieuse ou l'on meurt lentement et dans d'atroce souffrance, et je ne parle même pas des animaux qui ne vont pas hésiter à chopper un peu de cher entre temps. Face à cette réalité indéniable que Dieux le tout miséricordieux ne nous sauvera pas du mal, il était donc normal que Willard, personnage centrale de cette première partie du film, arrête de ressentir le besoin de parler au seigneur. C'est d'ailleurs durant cette période qu'il va revenir vivant de la guerre, rencontrer l'amour et fonder une famille, il ne va revenir près du seigneur que quand il sera heureux, preuve que ça ne sert finalement pas à grand chose. C'est même ça qui va le tuer quand on y pense, bien que le cancer de sa femme n'aide pas beaucoup. La croix a transformé sa tristesse en rage et sa rage en bêtise, allant même jusqu'au meurtre et au suicide. Ce n'est même pas tant la religion qui l'a tué que le fait qu'il place sa montagne d'espoir sur quelque chose qui n'existe pas, donc forcément une fois la supercherie révélée, tout s'écroule. Et c'est d'autant plus vrai avec ce cher Roy qui croit à Dieu jusqu'au bout même après avoir vu par 2 fois qu'il n'existait pas, ce qui va le conduire à sa mort.
J’sais pas s’il y de bonnes raisons à agir comme un monstre. Tout
c’que je sais c’est qu’il y a un bon paquet de salopard de bons à rien
ici-bas. Et que si tu ne les bouffes pas en premier, ils ne vont pas
se gêner pour le faire. C’est la loi de la jungle… ou plutôt celle des
hommes, ou serait-ce celle du démon ? Qu’importe ! Dans tous les cas,
je ne me laisserais pas faire !
Malgré sa fin tragiquement pieuse, Willard donnera quand même un début de réponse à cette hystérie divine général. Dieu n'existe pas, mais le diable résonne en chacun de nous. C'est d'autant plus vrai quand on voit les Henderson à la messe et le révérant Preston réciter la bible. La religion materne ses fidèles et les guide dans une bulle d'auto-persuasion abrutissante, il suffit aux pires salopards de jouer avec les limites de cet endoctrinement pour faire de ce petit patelin un véritable enfer. Seul celui qui a décidé de se battre contre les dit salopard s'en sort alors vivant, il va même dans un certains sens faire un acte religieux en tuant un à un les démons des environs, avant de fuir cet enfer. Même la voix omnisciente, omnipotente et devin va se placer extérieur à la religion, dans la réalité.
Finalement il y a un certain divin dans cette histoire, mais pas celui auquel on pense, un divin né de l'horreur, ou toutes les rencontres entres nos personnages vont appeler la mort, ou seuls ceux qui ont vu celle-ci éloignée de tout fantasme peuvent espérer en réchapper. Finalement comment ne pas perdre foie face à ce divin malsain, partout et tout le temps ou on se surprends à creuser toujours plus profondément dans l'horreur, la décadence. Finalement on ne se pose pas la question si la religion a empêché le mal, mais si elle ne lui a pas donné une tout autre dimension.
Coup de feu, cris pleurs...Est-ce cela l'enfer, ou le silence qui les précède ?