Un petit barbier juif, amnésique suite à une blessure de guerre, se trouve être le sosie parfait du dictateur de Tomania, Hynkel. Et quand celui-ci envahit Osterlitch, le pays de notre petit barbier, et qu'il disparait, notre héros se retrouve dans un sacré pétrin.
C'est la fable classique du sosie ("Le Prince et le Pauvre", "Le Prisonnier de Zenda" pour ne citer que ceux la): toujours le héros remplace un être de pouvoir au caractère discutable et prouve qu'il est mieux équipé pour être à la dite place. Leur alter ego n'est cependant pas toujours ignoble et irrécupérable.
Ici, Chaplin utilise ce cliché et un ton de comédie poétique qui lui est propre pour faire oeuvre d'utilité publique.
En effet, quand Hitler se lance dans sa conquête de l'Europe, le monde regarde ailleurs, considérant que c'est un problème Européen. Quand les bruits d'épuration, de camps de concentration ont commencé à circuler quelques années plus tôt, le monde a regardé ailleurs se convaincant que ce n'était pas possible et ainsi de suite.
Dans un monde qui refusait de voir le régime Nazi pour ce qu'il était et la folie d'Hitler comme réelle, Chaplin décide de mettre le monde en garde.
On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui disait Pierre Desproges. On peut rire avec Charlot de ce dictateur ignoble, on peut rire parce que le héros est un petit barbier juif, maladroit et un peu rêveur, qui, comme les autres, ne voit pas venir la menace puisqu'elle n'a pas de sens. Le Nazisme n'a pas de sens certes, mais il a le pouvoir.
Le début du film est léger, une succession de gags visuels même si le film est parlant, et pourtant Chaplin ne nous épargne pas les messages importants : la stigmatisation des Juifs, les rafles, les camps de concentration, même s'il est bien loin de la réalité, mais à cette époque qui pouvait vraiment toucher du doigt la réalité de l'horreur.
Ce que Chaplin ne rate pas, c'est son portrait d'Hitler, pardon Hynkel : mégalomane, orateur hypnotique, orgueilleux, effrayant et ignoble. Il n'épargne pas le régime, les alliés de cet empire, le fascisme, l'aveuglement des uns et des autres le tout grâce à des scènes hilarantes comme celle du duel des chaises entre Hynkel et Napoleoni (dictateur de Bacteria), ou d'une grande poésie comme la scène devenue mythique où Hynkel jour au ballon avec le monde. Cette scène à elle seule fait de ce film une merveille à voir, à revoir, à étudier, elle en fait une oeuvre importante car elle fait froid dans le dos. Chaplin a parfaitement compris ce qui se passait et quelle était la mentalité d'Hitler, ce qu'il voulait, ce qu'il comptait faire à L'Europe puis au monde et cette scène est un message d'une grande puissance, sans parole, un représentation parfaite de la mégalomanie.
Bien que le film soit parlant, ce sont ses images qui sont le plus parlantes comme la scène émouvante où le petit barbier voit sa maison brûler.
Chaplin est soutenu par un casting excellent à la fois à l'aise avec les mots et avec le comique physique. Il met comme toujours en avant sa compagne, Paulette Godard, beauté parfaite et actrice plus que compétente en lui donnant le rôle de l'espoir, de la résistance.
Certes le discours final manque peut être un peu de subtilité. Quand enfin Chaplin donne la parole à son petit barbier, à Charlot si peu habitué à prendre la parole, celui-ci le fait comme toujours avec timidité et maladresse. Il n'est pas fait pour parler mais il faut utiliser des mots face aux grognements et hurlements de Hynkel. Ce n'est pas la meilleure tirade de l'histoire du cinéma mais elle a le mérite d'exister dans une époque qui fait la sourde oreille alors je laisse passer la maladresse, la truelle et l'utopisme exacerbé. Je m'en fiche.
Ce film est n° 2 dans mon Top 10.