Un film au message extrêmement puissant et intemporel. Car aussi incroyable que cela puisse paraître, cette satire du totalitarisme reste encore parfaitement vraie à notre époque, ou pour n’importe quelle époque sur laquelle on pose notre regard.
L’intrigue réussit parfaitement à mêler comédie et drame (ce qui rend cette satire si efficace) sans tomber dans le superflu. Chaque scène a son but, son intérêt, son message. Alors bien sûr, on aura chacun son propre avis entre les alternances du bureau de Hynkel et le Ghetto où on suit ce barbier juif si proche de Charlot. Chacun nous montrera les deux côté de la même pièce, entre un dictateur complètement obnubilé par son pouvoir (alors que fortement conseillé et écrasé par son allié/rival), et un barbier juif écrasé par le système de la dictature mais qui mène une vie complètement libre de tout préjugés.
Le film réservera plusieurs scènes d’anthologie, que ce soit des moments comiques relevant le niveau, ou bien par des scène au rythme parfaitement maîtrisé où le ressort comique, bien que prévisible, prend toute sa saveur. On aura aussi droit à des scènes mémorables de par leur exécution ou les messages portés. Enfin, on aura bien sûr les deux scènes de discours, comme deux images opposés d’un miroir et encadrant le film comme des balise. Chacun reflétant à merveille l’idée derrière.
Ajoutant à cela le choix de Chaplin de recourir aux dialogues et qui renforcent ce qu’il veut faire passer au spectateur, même s’il aura encore beaucoup recourt à des gags chapliniens muet qui s’avéreront tout aussi efficace. Au final, le seul petit point négatif, c’est la conclusion autour de la famille d’Hannah : bien sûr, ça s’inscrit dans la logique du film et de l’époque, mais on sent que Chaplin ne savait pas trop comment finir avec eux après ne plus en avoir besoin. C’est dommage, car c’est vraiment la seule chose qui affaiblit l’intrigue globale.
Au niveau du casting, c’est un véritable festival. On pourra citer par exemple Reginald Gardiner et Henry Daniell qui apportent une touche britannique si particulière à leurs personnages et qui s’en sortent à merveille. De véritables seconds rôles qui renforcent le récit. Dans la même lignée, on aura Billy Gilbert qui sera un peu plus discret mais tout aussi savoureux. Tout comme Maurice Moscovitch, Bernard Gorcey et Paul Weigel. L’écriture du personnage d’Hannah est assez classique pour cette époque, mais Paulette Goddard le fait fonctionner à merveille.
Jack Oakie est un véritable régal en Napoleoni : chacune de ses scènes, chacun de ses mouvements… Tout est parfaitement calculé et tellement hilarant qu’il fait un contre-poids admirable à celui qui survole le casting. Car si l’ensemble est vraiment d’excellente qualité, Charlie Chaplin est d’un niveau stratosphérique. Que ce soit dans le rôle du barbier juif (qui, outre l’accoutrement, est un pur héritier de Charlot) ou dans celui d’Hynkel, incroyablement juste dans chacune des scènes. Plus qu’un régal, on est littéralement subjugué par la prestation de Chaplin.
Techniquement, le film s’inscrit parfaitement dans sa décennie. La musique accompagne très bien le film dans ses différentes parties, même si je n’en suis pas spécialement fan. Les décors, bien que très simples (on aura, en gros, deux grand plateaux) sont vraiment super et créent très rapidement des ambiances distinctes. La réalisation sera très efficace, utilisant parfois quelques astuces pour renforcer l’aspect comique des scènes. Certes, ça ne « claque » pas visuellement comme peuvent le faire certains films de l’époque (je pense à Casablanca, Citizen Kane ou Les enfants du paradis par exemple) ; mais ça reste extrêmement efficace, et donc fonctionnel. Et mine de rien, certains scènes seront franchement superbes.
Le Dictateur est donc bien un film fondamental. Son message est extrêmement puissant et d’une portée infinie, mais il s’avère également être intemporel. Servi par une intrigue mêlant astucieusement les ingrédients de la satire et un casting au top ; ce film est non seulement un film à voir, mais également une référence !