Des insuffisances certes, mais masquées par un film grandiose

Je vais tenter de m’essayer à la critique d’un de mes films préférés, le Docteur Jivago, bien qu’étant profane en la matière (l’entreprise de l’écriture d’une critique me paraît être d’une complexité monstre lorsque l’on vient seulement de naître dans le septième art !).


Rappelons tout d’abord que ce film est une adaptation de l’œuvre de Pasternak. Il est intéressant de remarquer que la retranscription de l’histoire admet des différences notables, mais le fait que ce ne soit pas fidèle aux nombreuses pages du roman n’est pas un problème pour Lean, au contraire. La liberté qu’il a pu s’imposer dans la réalisation de ce film n’est pas non plus à mon humble avis, un point négatif. Ce qui est particulièrement important en revanche, c’est la manière dont Lean retranscrit l’histoire en s’appuyant sur différents points ; politiques, mélodramatiques, puis évidemment épiques, sinon ce ne serait pas du jeu, un jeu en tout point romanesque. Il y a donc vraisemblablement une certaine dichotomie entre l’amour passionnel et ses enjeux, et l’aspect politico-social, mais demeurant dans l’ensemble inégale dans sa répartition propre. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir de critique politique et historique du système de l’époque, quoiqu’un peu trop biaisée (voici un point différant de l’ouvrage dont le film est tiré ; ici, ce sont les idéaux politiques de Lean qui sont mis en lumière, ou du moins, ceux des américains.) Il est tout de même important de montrer la violence des blancs et des rouges, mais que pouvons-nous faire lorsqu’il y a un parti pris.


Concernant les décors, tout y est absolument sublime et un tant soit peu réaliste (la maison de glace, bien qu’étant magnifique l’est un peu moins, mais vous l’aurez compris). Trois ans après Lawrence d’Arabie, nous voici donc transportés dans des contrées bien plus pures, bien que tâchées de sang, contraste qui ne nous laisse pas indifférent. Les jeux de lumière en fonction de la dualité dont je parlais précédemment sont très intéressants, on ne pourrait donc presque rien reprocher à la photographie.


Je pense que le Docteur Jivago est un film grandiose, bien que souffrant d’insuffisances. C’est un film qui est très - pour ne pas dire trop - long (environ quatre bonnes heures), et même si représenté comme étant un classique du cinéma (j’admets que ça ne veut rien dire), il demeure imparfait : trop d'ellipses qui tendent à perdre le téléspectateur, une histoire mélodramatique entre infidélité et amour passionnel qui attache le public notamment grâce à la fameuse (dieu qu’elle est incroyable) chanson de Lara - composée par l’excellent Maurice Jarre, et reprise par Andy Williams -, mais qui ne met pas assez en valeur le contexte de la révolution russe de 1917, en omettant quelques scènes de combat importantes, qui par ailleurs sont pour la plupart extrêmement bien réalisées, avec des décors incroyables pour l'époque en ce qui concerne certains passages du film. La critique de la condition des femmes de l’époque est pour moi un élément très important ; tout le monde est touché par la guerre, à différents niveaux, et l’abus de pouvoir des hommes sur les femmes tue tout autant que les fusils et les combats.


Mais n’oublions évidemment pas le regard pétillant de l'excellent Omar Sharif nous émouvant et nous passionnant, dont le jeu d’acteur reste pour moi incroyablement magnifique, de par sa sensibilité éternelle en tant que poète et de par la manière dont il transfert son âme à celui qui oserait entreprendre de le regarder attentivement dans le centre de ses yeux. Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas s’attacher et rester attaché à un tel personnage ! Tant d’empathie devrait émaner de nos cœurs lorsque ses doux yeux larmoyants se dirigent vers les nôtres. Que d’onirisme et de passion dans certaines scènes où il figure !
Ses nombreux poèmes (que l’on ne voit malheureusement pas), contribuent notamment à ce lyrisme que Lean réalise à merveille. Il est intéressant de souligner que le docteur Jivago s’intéresse donc à la fois aux sciences et aux lettres, en étant à la fois médecin et poète à ses heures perdues (ce qui n’est pas sans rappeler l’éducation de la Grèce antique, ou alors, cela dénote tout simplement une ouverture d’esprit indéniable et attrayante).


Puis même si très britannique, la magnifique Julie Christie arrive à se mettre dans la peau du personnage, nous captivant davantage vers la fin du film, là où l’émotion est à son apogée. Son jeu d’acteur est à mon goût excellent, peut-être pas autant que celui d’Omar Sharif, mais l’attention dans ce film est (malheureusement ?) portée essentiellement vers les hommes, du moins vers Jivago.

Je recommande ce chef-d’œuvre énormément, notamment pour un public désirant un film historique, mélangeant la mélancolie et le drame grâce à ici, un triangle amoureux passionnel et tragique. Ce n’est pas le genre de film que l’on se doit de regarder qu’une seule fois ; une suffit à nous séduire, mais deux ou trois nous emmènent bien plus loin que terre, pour les êtres ne pouvant demeurer indifférents à la passion amoureuse et dont le cœur accepte quelques défauts de réalisation au détriment de la « niaiserie » romantique. Somme toute, le film ne peut être globalement apprécié qu’en fonction des valeurs morales de son spectateur.

coconutmilk
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le 22 mai 2021

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