En 2012, sans connaissance du cinéma muet, j'avais emprunté au hasard à la dvdthèque d'une des bibliothèques de ma ville un coffret Fritz Lang contenant notamment "Docteur Mabuse, le joueur" : après vingt minutes de visionnage, j'avais stoppé, lassé des intertitres bavards.
Huit ans et demi plus tard, en pleine découvertes de films muets, alors à une vingtaine, je me suis replongé dans ce film important (4 h 30 !), découpé en deux parties, elles-mêmes découpés en toutes petites parties qui s'apparentent à des petits épisodes de séries télé : ce qui fait que "Docteur Mabuse" apparaît par son découpage très proche de serials comme celles de Feuillade.
La première partie est amusante et passionnante, il y a un humour noir, alors que la seconde est plus dramatique (il y a plusieurs morts). La première partie se centrant essentiellement sur les magouilles de Mabuse, la deuxième sur la traque de von Weck.
Les moyens semblent assez importants : des scènes avec beaucoup de figurants (la bourse, les scènes de théâtre, etc.) et quelques beaux décors extérieurs même si la plupart des séquences d’intérieur sont clairement tournés en studio. Comme ça va très vite, pas vraiment le temps de s’ennuyer, alors qu’il y a pourtant quelques scènes trop longues (la scène du spectacle vers la fin), il y a pas mal de dialogues (j’en avais jamais Lu autant pendant un film muet, les monologues des personnages remplissant l’écran) qui sont ciselés, parfois ironiques, sinon dramatiques mais jamais vraiment mélodramatiques. Il se passe vraiment beaucoup de choses sur ces quatre heures et demie. Il y a aussi de la réflexion philosophique derrière.
Côté mise en scène, Fritz Lang expérimente en utilisant des surimpressions (la séquence où le comte Told rêve qu’il est à la table et où ses doubles apparaissent sur chaque chaise est vraiment bluffante), la typographie des dialogues est parfois contourné : les intertitres peuvent être zoomés, les caractères se transformer, etc., où le nom d’une route apparaît sur l’écran au même moment où von Weck hypnotisé passe dessus (vers la fin) : c’est très impressionnant.
L’interprétation est excellente : Rudolf-Klein Rogge est déchaîné, multiplie les maquillages (dont certains sont bluffants) en docteur Mabuse, à ses côtés, des acteurs et actrices déjà vu une semaine auparavant : Aud Egede Nilssen touchante en Cara, complice aimante de Mabuse ; Alfred Abel est parfait dans le rôle du comte Told ; Bernhard Goetzke impeccable en procureur et une actrice que je connaissais pas : Gertrude Weicker est adorable en comtesse Told.
L’ensemble se tient bien, la musique est entêtante mais colle parfaitement à l’œuvre.