Sujata Rajasuriya (Malini Fonseka) rentre au Sri Lanka avec Aruni (Paboda Sandeepani), sa fille de 20 ans. Elles étaient à Londres depuis 5 ans, sans doute pour oublier les drames qui ont marqué leurs vies. En effet, Sujata est veuve. De plus, elle a perdu son fils qui s’est noyé. Un accident qu’elle a encore du mal à digérer, car elle s’en sent responsable d’une certaine façon. Sujata et Aruni sont accueillies par le frère de Sujata ainsi que par Sita (Vasanthi Chathurani), sa sœur adoptive et l’équipe de domestiques qui entretient la propriété. La famille se retrouve ainsi dans une vaste et belle demeure sise au beau milieu d’un vaste domaine non loin d’une voie ferrée (on entend le passage de trains, au loin).


Le retour de Sujata ne doit rien au hasard. Sa situation financière devenue précaire, elle va devoir envisager - bien à contrecœur - de se séparer de ce domaine familial qui a vu vivre plusieurs générations. Son mari avait contracté un emprunt et, dans un premier temps elle avait hypothéqué la maison. Malheureusement, une clause auprès de la banque autorise celle-ci à mettre le domaine aux enchères si la famille venait à se trouver dans l’impossibilité de rembourser l’emprunt. Or, la dette de Sujata est désormais trop importante.


Pour tenter de faire face à la situation et ne pas perdre le domaine, Sujata évalue la situation avec son frère. Qui appeler à l’aide ?


Signalé comme une libre adaptation de La cerisaie (1904) de Tchékhov, Le domaine ressemble beaucoup à du théâtre filmé, malgré quelques scènes en extérieurs. C’est un de ses points faibles, avec le flou entretenu sur la situation obligeant Sujata à envisager la vente du domaine.

Sinon, le réalisateur Lester James Peries donne à voir son pays, le Sri Lanka en particulier pour sa végétation et aussi pour la façon dont on y vit, les mentalités. Probablement un peu comme en Inde, le système des castes a longtemps prévalu, mais il ne peut que voler en éclats avec la monde moderne qui se met en place, sans doute favorisé par un certain libéralisme. Ainsi, l’un des personnages appelé à la rescousse, l’homme d’affaires Lucas (Ravindra Randeniya) n’est autre que le fils d’un ancien employé du domaine. Appelé à l’aide en tant qu’ami de la famille ayant fait fortune et grandi dans le domaine, Sujata considère que le domaine ne peut que lui tenir à cœur. Bien évidemment, c’est sans compter avec l’homme que Lucas est devenu et avec la société telle qu’elle se présente au moment où la famille l’appelle à la rescousse.


L’héritière de la famille, la jeune Aruni semble un peu irréfléchie, car elle redécouvre le domaine avec un enchantement qui se lit sur son visage radieux, ses éclats de rire, son enthousiasme perpétuel. A vrai dire, son attitude est probablement avant tout dû à son âge qui lui fait voir la vie comme un boulevard lui ouvrant le champ des possibles. Elle va quand même devoir déchanter (au moins provisoirement), puisque Sujata ne pourra pas faire de miracle. Surtout, Aruni tombe sur Keerthy Bandara (Ranjit Rubasinghe) qui lui servait de répétiteur avant qu’elle s’envole pour Londres. Entre Keerthy et elle, une réelle complicité avait vu le jour. Revoir Keerthy lui procure une émotion d’autant plus forte que, depuis son départ, Aruni est devenue une jeune femme. Mais elle n’aura pas beaucoup l’occasion de voir Keerthy, car celui-ci est très pris par ses activités de meneur des manifestations étudiantes qui enflamment le pays. De ce côté, la situation est telle, que Keerthy est recherché par la police qui vient enquêter jusqu’au domaine. Le jeune homme se cache et craint pour sa vie.


Voilà donc un autre point au passif de ce film dont le principal inconvénient est de ne quasiment jamais sortir du domaine. Comme le système des castes, les révoltes étudiantes ne sont qu’évoquées au détour de l’intrigue principale. Ceci dit, le triste épilogue fera monter l’émotion et la jeune Paboda Sandeepani interprète d’Aruni y fait preuve d’un réel talent d’actrice.


Présenté et bien accueilli au festival de Cannes 2003, le film adopte un rythme plutôt lent qui correspond à l’ambiance générale au Sri Lanka où la luminosité et le luxe de la demeure familiale éclipsent sans doute la réalité profonde. Tout cela n’empêche pas le réalisateur de faire monter la tension. On pourra cependant regretter que l’intrigue principale n’amène pas de péripéties bien originales, puisque la famille court en pure perte auprès de personnes pouvant apporter une aide financière. On peut ainsi mettre en parallèle la déchéance de la famille avec la déchéance du domaine lui-même, voué à la destruction. Il n’est jamais question d’expropriation, mais on se doute que le domaine et surtout la demeure familiale gênent l’expansion du réseau de la voie ferrée. Bien entendu, ce réseau constitue un puissant moyen d’échanges économiques et un homme d’affaires comme Lucas le sait parfaitement. A vrai dire, il n’a plus qu’à attendre que les événements tournent en sa faveur pour parvenir à ses fins. Sa façon de procéder est révélatrice de l’irréversible évolution des mentalités. S’il a pu longtemps considérer le domaine d’une manière sentimentale, les années passant il éprouve certainement plus de satisfaction à manœuvrer pour en devenir le propriétaire (certainement à ses yeux une juste revanche sur son destin de fils d’employé), mais pour en faire son jouet ou plus simplement un objet de plus destiné à renforcer sa réussite matérielle. Comme d’habitude la puissance de l’argent et du pouvoir qu’il apporte balaye tout sur son passage et Lucas n’est plus qu’un calculateur qui attend son heure.


Electron
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le 30 août 2022

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