L’intrigue du Doulos exprime parfaitement la vision d’un monde clos visant à un idéal, mais qui se trouve être corrompu par ses acteurs. Chaque personnage est ainsi ambivalent et le doute imprègne chaque minute du film. Ce doute dans lequel est plongé le spectateur à qui Melville ne délivre que des informations parcellaires. Certains événements du film sont visiblement mis en scène depuis le point de vue de Silien, tandis qu'à d'autres moments c'est une forme d'objectivité qui guide la mise en scène. Mais les frontières sont floues, et nombreuses sont les séquences qui peuvent être lues différemment.
On ne sait jamais qui est vraiment le "Doulos", où se situe la vérité. Melville use de ce stratagème moins pour créer une forme de suspense hitchcockien que pour décrire un monde où tout est ambivalent, trouble, équivoque, l'incertitude dans laquelle est plongée le spectateur le mettant au même niveau que les personnages qui doivent douter de tout pour survivre. « Il faut choisir : mourir ou mentir » indique un carton au tout début du film. Cette injonction qui n'est respectée par personne (on meurt en continuant de mentir tout au long film) ne s'adresse qu'à un personnage, Silien, le héros melvillien qui incarne les questionnements auxquels le cinéaste se livre à travers ces personnages qui se situent entre la loi et la morale.
Melleville anticipe, par bien des aspects, ces futurs chefs-d’œuvre que seront Le cercle rouge ou Le samouraï.