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On pourrait écrire une somme sur le rapport de Kurosawa aux médecins, et sa manière affectueuse et subtile de les mettre en scène. C'est d'ailleurs symbolique que la période d'âge d'or de Kurosawa commence et s'achève avec des rôles de médecin (de L'Ange ivre et du Duel silencieux jusqu'à Barberousse).

Revenons à nos moutons. Le Duel silencieux est le deuxième film d'Akira Kurosawa avec Toshiro Mifune, et fait partie de la série de 4 films noirs précédant Rashomon. En mettant en scène un médecin revenu au pays après avoir contracté la syphilis lors d'une opération sur le front, Kurosawa se lance d'abord dans un drame romantique qui n'est pas habituel dans sa filmographie (même si on peut penser à Je ne regrette rien de ma jeunesse ou Les salauds dorment en paix). Et c'est réussi : les moments sont touchants entre le médecin qui repousse celle qu'il aime et l'ex fiancée qui ne comprend pas pourquoi elle est désormais rejetée. C'est là toute l'ingéniosité et la modernité du film : si les aveux du médecin peuvent anéantir le scénario, ce n'est pas une facilité scénaristique. Kurosawa parle déjà (on est dans les années 1940) de discrimination envers les personnes malades, et surtout d'infections sexuellement transmissibles. Avant de savoir la vérité, le père et la collègue du docteur le rejettent et l'humilient, et c'est évidemment ça qu'il veut éviter avec son ex-fiancée.

L'apogée de l'intrigue tient en une scène : alors que Toshiro Mifune joue un médecin froid et monolithique, il perd pour deux minutes cette posture pour faire éclater son désespoir, sa colère, et même sa folie… avant de redevenir le premier personnage. Une performance d'acteur déjà bluffante, et c'est seulement son deuxième rôle principal dans un film. Le tout sans oublier la maîtrise dingue de Kurosawa, avec une construction narrative en miroirs (le docteur et le soldat qui l'a contaminé, l'infirmière et la fiancée, la première et la dernière scène d'une opération…), des plans qui gagnent encore en maturité (le docteur en blouse blanche debout face à l'ancien soldat en noir et affalé) et une tension soigneusement construite (les gouttes de pluie lors de la première scène, la préparation de la scène de crise du médecin). Clairement pas un film mineur de l'Empereur !

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le 13 oct. 2024

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Samji

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