Le facteur sonne toujours deux fois (avec Lana Turner et John Garfield) est un film tourné en noir & blanc par Tay Garnett, dont c'est la réalisation la plus notable. Sorti en 1946, c'est la troisième adaptation cinématographique du célèbre roman noir éponyme de James M. Cain ; d'autres suivirent.
Je pense que le film est très fidèle au polar (que je n'ai pas lu, mais dont le titre m'a toujours fasciné), car il abonde en péripéties et rebondissements et c'est un peu son défaut, en tout cas c'est en ça qu'il m'a surpris : le côté très élaboré de l'intrigue, il y a de quoi faire deux films avec un tel scénario ; ça n'est pas forcément un reproche, mais là, la partie juridique du film m'a semblé un peu longue.
Ce qui fonctionne bien, ce qui capte le regard, c'est le couple que forment le jeune "vagabond" (devenu bientôt l'homme à tout faire du lieu) et la jeune femme du vieux restaurateur, ce qui se passe entre eux, l'attraction sensuelle, la passion qui les réunit. Et cependant, comme nous sommes dans la prude Amérique des années quarante, on ne les voit jamais au lit ensemble. Tout au plus nous les montre-t-on s'enlacer, l'un et l'autre habillés ou éventuellement en maillots de bain à la plage. Mais la relation entre leurs deux corps, leurs deux psychismes est électrique ; ça se ressent terriblement à l'écran. Et c'est à mettre au crédit des deux comédiens.
Le film démarre sur les chapeaux de roue, quand l'auto-stoppeur, qui vient juste d'être déposé devant l'auberge-station d'essence par l'automobiliste qui l'a transporté jusque là, tombe en arrêt devant le panneau "Man wanted", un libellé qui nous fait appréhender presque immédiatement ce qui risque de se passer par la suite. Toute la première heure est bonne, avec une atmosphère lourde de non-dits, de la part des deux jeunes gens et du vieux restaurateur de mari
jusqu'à son meurtre.
La seconde connaît, à mon avis, quelques baisses de régime, mais rien de grave.
Comme dit plus haut, le couple interprété par Lana Turner et John Garfield est très bien assorti et fonctionne parfaitement. Franchement, le courant passe entre eux... au point que ça en est parfois d'une étonnante animalité. Les cinéphiles émérites vont se récrier, mais je ne connaissais pas Garfield (il a 32-33 ans au moment du film et il est mort à 39 en 1952 ; c'est un très bon acteur annonçant Marlon Brando ou Monty Clift) ; je connaissais, bien sûr, Lana Turner et dans Le Facteur sonne toujours deux fois, elle est à son meilleur, jeune, belle, sexy : une parfaite incarnation de la femme fatale.
Le métrage m'a un peu rappelé Une place au soleil de George Stevens, mais lui est antérieur de cinq ans. C'est un très bon film noir de la fin de l'âge d'or hollywoodien. https://www.imdb.com/video/vi1520764185?playlistId=tt0038854&ref_=tt_ov_vi
(Critique écrite il y a quelques années et légèrement retouchée pour sa publication ici.)