Lorsque Frank Chamber (John Garfield) entre dans le restaurant- station essence le "Twin Oaks" , un tube de rouge à lèvres roule au sol jusqu'à ses pieds. Levant les yeux il découvre des chevilles, des jambes nues très sensuelles, le corps diaboliquement voluptueux de Cora (Lana Turner), la femme de son nouveau patron, le naïf et ventripotent Nick Smith.
Femme fatale bien trop jolie pour un mari ennuyeux, image sous exposée, narration en flashback et voix off désabusée, jeune homme viril à la moralité usée par une vie sordide, nous sommes au cœur d'un de ces films noirs américains de l'immédiate après-guerre.
Deux ans après Assurance sur la mort auquel il fait largement écho dans ses thèmes et sorti la même année qu'un autre classique du genre, Le Grand sommeil, "The Postman Always Rings twice", n'aborde cependant pas d'emblée une trame criminelle, la première partie développe les relations particulières de ce trio, entre hésitations, passion refoulée et tentations,
une certaine "innocente amoureuse" entoure même la relation des deux amants qui n'échafauderont une idée de suppression du mari que plus tard dans le film.
Dans ce presque huis clos, les acteurs masculins excellent et Lana Turner, envoutante,vénéneuse et tout de blanc vêtue tout au long du film, est pour une fois convaincante dans son rôle de femme certes inquiète de son statut social,
mais également réellement amoureuse et finalement, piégée par un inéluctable destin contraire.
Certes, et c'est heureux, les ressorts dramaturgiques du film noir, ne manqueront pas de donner au film sa dimension tragique.
Inévitablement, les amants maudits nourriront un temps le fol espoir d'une vie de bonheur et de liberté, mais le hasard cruel, pernicieux et au final assez moral viendra contrarier les desseins de ces deux être perdus.
Pas de doute possible donc, ce Facteur sonne toujours deux fois est un (somptueux) film noir, d'une grande richesse dans ses fausses pistes, ces revirements inattendus, bref, un grand film tout simplement...