J'ai beau lutter contre mon sentiment premier, essayer de creuser et relativiser, il s'impose ici, "Phantom" se solde malgré tout sur une certaine déception. C'est d'une rigueur impeccable, accentuée ou retrouvée par le travail de restauration récent, il n'y a absolument rien à redire sur les aspects formels qui enserrent la tragédie de toute leur beauté. L'emprise de l’expressionnisme allemand est bien présente, les prémices du Murnau de "Sunrise" sont tout juste détectables. Mais bon, il m'est impossible de ne pas le comparer à son autre film de 1922, le chef-d'œuvre "Nosferatu", et forcément, ça coince un peu. Quelques motifs sont présents, à commencer par l'ambiance d'une nuit fantasmagorique et les réminiscences de cette rencontre avec une femme blonde qui l'avait renversé, seul vestige de présence fantomatique qui hantera le protagoniste et qui peut justifier le titre du film. Mais à côté de ça, la vie de Lorenz Lubota est relativement morne, un employé de mairie aspirant poète dont les rêves de célébrité s'enflammeront l'espace de quelque temps, avant de le rabattre violemment au sol dans sa condition de gratte-papier.
Il est beaucoup question d'oubli dans "Le Fantôme", tout le film se place sous le signe du flashback amorcé par le récit de la vie du héros à mesure qu'il l'écrit dans un carnet, comme pour exorciser son passé douloureux, et au cœur de ce récit, il essaie d'échapper à sa condition modeste. Bien dommage de constater les limites de plusieurs personnages secondaires, à commencer par la figure maléfique de l'assistant de sa tante (Lorenz tombe dans tous les panneaux, ça devient vite agaçant avant de parvenir à construire la toile vénéneuse de la tragédie qui s'abat sur lui) voire de la tante elle-même (pas hyper commode quand même quand il s'agit de rembourser de l'argent) ou encore la mère qui n'en finit pas de se morfondre dans son lit. Je trouve que l'écriture de ces nombreux portraits gravitant autour de lui entrave le piège de la folie passionnelle qui est censée se refermer sur lui. De manière plus pragmatique, il y a également des composantes morales un peu trop lourdes, avec le châtiment du pécheur et la corruption de l'argent.