Le Fil
6.5
Le Fil

Film de Daniel Auteuil (2024)

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Daniel Auteuil n’avait pas prévu de revenir à la réalisation - ses adaptations pâlottes de Pagnol et son boulevardier Amoureux de ma femme n’avaient effectivement pas laissé une empreinte durable dans le cinéma français. Mais il s’est dit tellement saisi par le témoignage de l’avocat Jean-Yves Moyart sur son blog, qu’il a voulu s’atteler à adapter un de ses récits.

On pourrait résumer Le Fil comme suit : l’histoire d’un procès, essentiellement du point de vue de l’avocat de la défense, habité par l’intime conviction quant à l’innocence de son client. Un combat pour la vérité, contre les suppositions, le manque de preuve et de mobile.


Et c’est là que le film interroge, dans la mesure où on va passer son temps à se demander ce qu’il cherche réellement à nous dire. Au-delà du récit à énigme correctement construit par une narration non linéaire et des twists savamment différés, Auteuil semble vouloir prendre de la hauteur. Par des échanges laborieux entre l’avocat et son épouse (qui sans qu’on l’explique n’habite pas chez lui), une attention portée aux scènes de transition (déplacements en voiture, solitudes réflexives) et quelques afféteries stylistiques poussives (le torero pour un ancrage local, les gros plans avec balances de point gratuites, un best of de musique classique aléatoire), Auteuil metteur en scène élargit les pistes, sans jamais réellement quitter le correct téléfilm qui lui sert de trame. Les comédiens, globalement très mauvais, sont tout juste sauvés par la prestation de Grégory Gadebois qui parvient à incarner le réel sujet du film : l’empathie qu’il peut susciter au récit de son histoire et du cadre social qu’il dépeint.


La question de la vérité, qui sera le fer rouge des deux dénouements est loin d’être anecdotique, dans un film qui se présente comme « adapté d’une histoire vraie », mais dont on ne trouve nulle part l’origine précise, pour déceler ce qui relève du fait divers et de la fiction (je suis preneur de toute info à ce sujet).

Car à bien y réfléchir, la mystification de l’accusé rejoint sur bien des points celle faite par l’acteur/réalisateur. Sous couvert de portrait d’un avocat entièrement dévoué à sa cause, et qui pourrait se brûler les ailes, il héroïse surtout son personnage, de tous les plans et de toutes les introspections, tandis que le cinéaste qui le filme s’attache à faire pencher le spectateur de son côté, histoire de bien préparer l’effet cathartique du twist final.

Autant d’éléments proches des artifices rhétoriques d’une plaidoirie très scolaire, bien loin des prétentions du réalisateur à vouloir sonder les complexités du cœur humain.

Sergent_Pepper
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il y a 3 jours

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Sergent_Pepper

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