Qui veut de la fluoxétine ?
Le réalisateur français Alain Cavalier nous offre (quoique, je ne sais pas s'il s'agit d'un cadeau, je pencherai plus pour le Trojan - Cheval de Troie) avec son "Filmeur" un monde cinématographique sous Prozac. Tout le film souffre d'une exagérée lenteur. Les deux voix-off (celle de Cavalier et de sa compagne, Françoise), qui d'ailleurs ne sont pas vraiment des voix-off, endorment par le rythme soporifique qu'elles adoptent, tandis que les plans s'enchaînent à une vitesse phénoménalement stagnante, bercés par un montage violemment impromptu.
"Le Filmeur" est le dernier volet du triptyque autobiographique d'Alain Cavalier, complété par "Ce répondeur ne prend pas de message" et "La Rencontre" (auxquels nous pourrions ajouter le récent "Irène", sorti en 2008). Il s'agit donc d'un journal filmé, de l'exposition dans les salles obscures des fragments de vie intime du réalisateur. Cette intimité que laisse à voir Alain Cavalier est très dérangeante, surfant presque sur la vague du glauque. Les moments de grande émotion de la vie d'un individu (que ce soit la perte d'un proche, la maladie - aussi bénigne soit-elle - ou un ongle incarné) peuvent certes titiller la perversion à tendance voyeur de l'être humain. Cependant, lorsqu'il s'agit d'une réalité brutale et brut (Alain Cavalier admet lors d'un entretien filmé pour Telerama.fr ne jamais corriger une image), on tourne rapidement vers le malsain. S'il n'y a pas cette écran de protection, ce préservatif psychologique entre le spectateur et l'œuvre autobiographique, le film devient perversement troublant.
Les films de famille sont fait pour être regardés en famille. "Le Filmeur" est un film de famille, qu'il reste chez Cavalier! Évitez de voir "Le Filmeur", car le pathétique des situations (dans le sens où cela suscite de la pitié) risque fort de ruiner votre journée, ou votre semaine pour les plus sensibles. Triste.